Comme chaque année, les consuls généraux des 27 pays de l’UE à Jérusalem ont publié un rapport sur la situation dans la ville occupée. Face « à la détérioration sur le terrain », ils affirment qu’il est « de plus en plus urgent d’intervenir » pour « préserver le tissu social politique, culturel et économique palestinien à Jérusalem-Est ». Dans la perspective « de maintenir la possibilité de la solution de deux Etats, conformément aux nombreuses résolutions de l’UE », ils recommandent à celle-ci et aux Etats membres l’application de 26 mesures. Celles-ci sont énumérées dans l’Annexe 2 du rapport sous le titre « Renforcer la politique de l’UE à l’égard de Jérusalem-Est » [1]
Les consuls ne se sont pas contentés d’avancer de vagues préconisations à caractère général – même s’il y en a. Dans la partie A, ils ont formulé 6 recommandations concrètes qui concernent le volet « Désinvestissement » du programme BDS de l’AFPS ainsi que le volet « Boycott des produits des colonies ».
Recommandations concernant les produits des colonies : R 9 et 10 de la partie A
Recommandation concernant des services (le tourisme fait partie des services) : R 8
Désinvestissement : R 6, 7 et 11.
On remarquera que les consuls veulent « S’assurer que les produits fabriqués dans les colonies de Jérusalem-Est ne bénéficient pas du traitement préférentiel accordé dans le cadre de l’accord commercial UE/Israël » (R 9) ; ce qui nous fait immédiatement penser à Sodastream, fabriqué à Mishor Adumim, colonie du « grand Jérusalem ». Certes, les diplomates européens ne parlent pas de boycott et encore moins de suspension de l’accord d’association UE-Israël ou d’embargo sur les produits des colonies comme le réclame l’Afps. C’est clair. Mais ils ajoutent « Sensibiliser davantage le public quant à l’origine de ces produits, notamment en élaborant des directives au sujet de leur étiquetage à l’intention des acteurs européens majeurs du secteur de la distribution » (R 10).
En langage diplomatique, les consuls disent « Il faut sensibiliser les gens pour qu’ils connaissent bien l’origine des produits qu’ils achètent et qu’ils puissent décider, en connaissance de cause, s’ils veulent acheter un produit fabriqué dans une colonie ou non ». C’est quand même une façon de reconnaître qu’il y a un problème avec ces produits et que ceux/celles qui désirent disposer d’informations fiables avant d’acheter ou non ont raison. Surtout si l’on garde à l’esprit le fait suivant : leurs recommandations ont été précédées d’un long rapport sur les avancées et les ravages de la colonisation à Jérusalem- Est et la tonalité générale du document ainsi que de l’annexe est la volonté politique de mettre fin à ce processus illégal d’annexion.
La prise de position des consuls généraux conforte la légitimité de nos actions. Comment pourrait-on interdire, à nous citoyens, de manifester devant les grandes surfaces et magasins Darty et les boutiques Sephora qui trompent sur l’origine des gazéificateurs Sodastream / SodaClub et des produits de beauté Ahava ? Et comment s’opposer à des manifestations devant les boutiques Orange alors que France Télécom-Orange a conclu un partenariat avec Partner, un opérateur israélien de téléphonie mobile impliqué dans la colonisation ? Faudrait-il poursuivre les consuls généraux ?
Cela dit, il est certain que toutes les mesures préconisées ne revêtent pas la même importance et que l’on peut critiquer certaines d’entre elles et même formuler de très sérieuses objections à d’autres. Par exemple, la référence à la Feuille de route, bel et bien périmée et dépassée, ou la collaboration avec le Quartet, instance notoirement inefficace et dont la partialité a été dénoncée par de hauts responsables palestiniens.
Il n’empêche ! Il convient de saluer la prise de position des consuls généraux. Dans leur rapport 2011, ceux-ci affirment : « Il faut passer aux actes » en faisant un pas en avant par rapport à 2010. Ils invitent, en effet, la Commission « à réfléchir à une proposition de législation européenne visant à prévenir/décourager de telles transactions financières (celles qui encouragent la colonisation). » (R 7).
Nous devons donner à leur parole la résonance qu’elle mérite et inviter les diplomates qui se sont déjà prononcés en faveur de la défense des droits des Palestiniens à faire de même. Je pense aux ambassadeurs qui ont signé « La lettre ouverte à Alain Juppé » pour appuyer l’admission de l’Etat de Palestine à l’ONU ou aux anciens hauts dirigeants de l’UE qui ont lancé un appel dans le même sens. Et nous devons aussi inviter les politiques à appuyer ces diplomates à Paris, à Bruxelles comme à Jérusalem, Ramallah et à l’ONU.