Voter à ces élections ne signifie pas reconnaître un état qui vous a été imposé mais juste le contraire. La valeur de la Liste Unifiée est beaucoup plus importante que la somme de ses défauts et de ses faiblesses surtout aujourd’hui, alors que nous nous trouvons à un carrefour politico-historique.
Ceci est un appel à mes amis palestiniens, natifs du pays, citoyens israéliens contre leur volonté, qui prévoient une fois encore de ne pas voter aux prochaines élections : s’il vous plaît votez et votez pour la Liste Unifiée.
C’est le seul parti qui, par son existence même et malgré ses contradictions, ses conflits et ses faiblesses internes, s’élève contre les délires d’expulsion finale qui sont en train d’être concoctés dans cette société judéo-israélienne perturbée et dangereuse.
Déposer un bulletin de vote ne signifie pas reconnaître l’état que vous avez été forcés de reconnaître mais le contraire : par ce vote, vous le forcez, lui et ses institutions, à vous reconnaître comme natifs de ce pays.
Vous forcerez ses citoyens juifs qui nient l’histoire à admettre, même si c’est implicite, que vos droits ne découlent pas de l’existence de cet état, ni de la Loi du Retour mais de vos profondes racines ici.
La droite - aujourd’hui majoritaire dans la nation judéo-israélienne - espère une Knesset exempte de véritables représentants de la population palestinienne. Pourquoi faire son jeu ? Pourquoi ne pas décider de faire un bras d’honneur à cette droite dangereuse, en participant au vote plus massivement que d’habitude ?
La provocation contre les Palestiniens habilement suscitée par le Premier Ministre Benjamin Netanyahou et ses laquais, n’est pas seulement destinée à garantir une majorité parlementaire pour lui assurer l’immunité le mettant à l’abri des poursuites.
Leur provocation est véridique et leur vient du fond de leur être. Les Palestiniens des deux côtés de la Ligne Verte [1] restent une population de trop. La représentation des citoyens palestiniens à la Knesset les rend fous. La provocation et les mensonges à votre sujet sont destinés à vous retirer de la scène publique et de la politique. Une telle disparition faciliterait d’autres formes de suppression et, si elles n’ont pas encore été prévues, elles sont susceptibles de survenir dans le processus bien connu des nations qui s’habituent à l’effritement des valeurs fondamentales.
Mais la réalité est plus forte que les désirs et les délires de la droite israélienne. Les citoyens palestiniens, par opposition à leurs frères et soeurs de l’autre côté de la Ligne Verte, font partie de l’espace public israélien. En dépit de toutes les tentatives pour faire croire le contraire, ils ne sont pas du tout de trop dans la vie économique et sociale du pays. Au contraire. Ils sont, vous êtes, indispensables.
Sans nier la discrimination intégrée aux salaires et aux possibilités d’emploi, vous travaillez et vous gagnez votre vie en Israël, bien que beaucoup d’entre vous ressentent une profonde aliénation de la part de toutes ses institutions. La nature superfétatoire des Palestiniens dans la conscience de la majorité des Israéliens se traduit par le nombre énorme de travailleurs du bâtiment - la plupart d’entre eux sont des Palestiniens - qui sont tués et blessés dans des accidents de travail.
Vous payez des impôts, et ces impôts payent aussi les coûts des actes incessants d’oppression et d’expropriation des deux côtés de la Ligne Verte. Vous fréquentez, vous avez fréquenté, les établissements d’enseignement de ce pays, et vous faites assurez une présence importante dans des métiers essentiels tels que ceux de la médecine, des soins infirmiers, du droit, des arts plastiques, du théâtre et du cinéma.
Vous cotisez à l’assurance-maladie et en cas de besoin, vous bénéficiez de soins médicaux dans l’incertain système public de santé qui est encore en activité. Vous vous déplacez dans les transports publics et conduisez sur les routes en même temps que les Israéliens juifs, avec lesquels vous n’avez aucun langage commun bien que vous parliez couramment l’hébreu.
Parce que nous, Juifs, avons volé la majeure partie des terres de vos villages et de vos villes, vous habitez à Carmiel, Nof Hagalil (les Hauts de Nazareth) et même dans les colonies à l’intérieur des frontières de Jérusalem (comme Pisgat Ze’ev et French Hill).
En bref : la situation est pleine de contradictions et les gens vivent avec celles-ci. En voici quelques-unes de plus : vous voyagez à l’étranger avec votre passeport israélien. Votre statut de citoyen empêche Israël de l’annuler - alors qu’il peut à tout moment abroger le statut des Palestiniens de Jérusalem - ainsi qu’il l’a fait à l’encontre de centaines de milliers d’habitants de la Bande de Gaza et de Cisjordanie qui allaient à l’étranger, et comme il aimerait le faire à vous.
Votre statut de citoyen non seulement vous donne la possibilité d’exercer votre droit à la liberté de mouvement entre la mer et le Jourdain (qui est refusé aux habitants de Cisjordanie et de Gaza), il vous accorde aussi la liberté de mouvement pour voyager à l’étranger.
Vous savez sans doute combien il est difficile pour d’autres Palestiniens d’obtenir un visa pour les pays européens, les Etats-Unis, le Canada et les pays asiatiques. Beaucoup n’obtiennent pas de visa. S’il vous plaît, ne vous méprenez pas sur mes paroles : vous méritez celui-ci de plein droit et non par faveur. Pour vous, il est logique et naturel de ne pas renoncer à ce droit en échange du symbole inhérent au refus d’être muni d’un passeport portant l’emblème d’Israël.
Les deux côtés sont obligés d’accepter les contradictions. L’état qui ne vous considère pas comme des citoyens égaux et qui espère votre disparition est forcé d’accepter votre présence de non-absent [2]. Il y a des preuves considérables qu’il ne s’intéresse pas à vous (le traitement humiliant à l’aéroport, par exemple) et des preuves qu’il n’arrive pas à vous effacer. Vous êtes ici.
Et vous les acceptez aussi : l’Etat ne vous représente pas, vous tirez une satisfaction affective du fait de ne pas voter mais vous faites partie de la société. Aucun geste symbolique ne changera cela. Je ne me trompe pas. L’existence d’une forte représentation arabe à la Knesset ne peut pas en soi mettre un terme aux idées d’expulsion entretenues par les Israéliens juifs, comme l’a prouvé la loi sur l’Etat-nation. Mais sans une forte présence de la Liste à la Knesset, il leur sera beaucoup plus facile d’entretenir des délires sur votre expulsion finale.
La droite espère une Knesset exempte de véritables représentants palestiniens. Pourquoi faire ce qu’elle souhaite, pourquoi faire son jeu ?
Traduit de l’anglais (original) par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS