En Cisjordanie, cette année encore, le ramadan commence dans un contexte de crise. L’Autorité palestinienne, engagée dans un bras de fer avec Israël, est en grande difficulté économique. Un combat coûteux mais légitime, explique Atef Abu Saïf, le ministre de la Culture de Mahmoud Abbas.
Le ramadan débute une nouvelle fois dans un contexte difficile en Cisjordanie. Le mois de jeûne a commencé le 5 mai et va durer jusqu’au 4 juin mais l’ambiance ne sera pas à la fête : l’autorité palestinienne est en grande difficulté économique. Depuis deux mois, des mesures drastiques ont été prises pour éviter le naufrage : les salaires sont divisés et la couverture sociale fragilisée. L’ONU et l’Europe s’inquiètent d’un effondrement de l’Autorité palestinienne. La crise est liée à un bras de fer avec Israël : elle fragilise encore plus une Palestine déjà bien mal en point.
A Ramallah, le père de Seïf est un haut fonctionnaire. Mais aujourd’hui, cette position est délicate. Ce ramadan sera placé sous le signe de la frugalité, un œil fixé sur les dépenses. Les salaires du public sont en effet divisés par deux depuis deux mois.
Et pour Atef Abu Saïf, le ministre de la Culture, cela représente déjà un gros effort.
« Ce mois-ci, nous allons verser 60 % du salaire, parce que c’est le mois du ramadan. On se doit de payer plus. Le mois dernier, nous avons payé 50 %. Et nous ne savons pas précisément combien nous paierons le mois suivant. »
Pour Seif, qui travaille pour Bravo, la principale chaîne de supermarchés en Palestine, c’est un coup dur. Le ramadan, normalement, représente une hausse de 30 % du chiffre d’affaires de son employeur, qui, du coup, se voit obligé de multiplier les promotions pour soutenir la consommation.
Depuis février, l’Autorité palestinienne refuse de percevoir la TVA et les droits de douanes palestiniens collectés par les Israéliens, qui contrôlent les frontières des Territoires palestiniens, selon un mécanisme hérité des accords d’Oslo. Car en juillet dernier, l’Etat hébreu a voté une loi qui permet une retenue à la source d’une partie des taxes perçues.
"On a refusé de prendre un centime"
Une retenue en forme de sanction, qui correspond au soutien financier versé par l’Autorité aux familles de Palestiniens emprisonnés ou tués par Israël, et qui a déclenché une réaction radicale.
"Parce qu’Israël a pris tout l’argent des prisonniers, on a refusé de prendre un centime, justifie Atef Abu Saïf. Il y a eu beaucoup de propositions. Mais nous les avons toutes refusées. Pour nous, Israël doit rendre la totalité de l’argent. Il n’y a pas d’autre solution."
En d’autres termes, en signe de protestation, Mahmoud Abbas a décidé de refuser tous les transferts de taxes tant que la totalité des fonds ne serait pas versée.
Un paiement mensuel, dont avaient été déduits 10 millions d’euros, a en effet été transféré sur les comptes de l’Autorité palestinienne. Mais deux semaines plus tard, l’argent était retourné au ministère des Finances israélien, expliquait lundi la radio publique israélienne citée par l’AFP.
Le manque à gagner pour la Cisjordanie est considérable. Il représente 65 % du budget. "Ce qui nous reste, ce sont les taxes internes et l’aide internationale", précise le ministre de la Culture. Les Palestiniens auront du mal à tenir si la situation perdure.
Un combat très politique
Mais ce combat redonne du crédit à la présidence palestinienne. Le soutien aux prisonniers est en effet l’un des derniers thèmes fédérateurs en Palestine.
« Pour nous, ce sont notre dignité et notre moralité qui sont en jeu. Sans le sacrifice de ces Palestiniens (prisonniers ou tués, ndlr), on ne pourrait pas survivre. Sans leur sacrifice, on ne pourrait pas avoir l’Etat ou l’Autorité. »
Si cette crise n’est pas encore catastrophique, un compte à rebours a été enclenché. En début de semaine, la conférence des pays donateurs s’est penchée sur la situation. L’Europe, en particulier, cherche un compromis pour sortir de la crise. Car aujourd’hui, les Israéliens eux-mêmes semblent redouter un effondrement de l’Autorité palestinienne.