En août 2010, les ministres des Finances et de l’Education d’Israël, Yuval Steinitz et Gideon Sa’ar, ont annoncé le déblocage d’un budget spécial de 500 millions de shekels destiné à améliorer l’accès à l’éducation supérieure des communautés arabe et juive orthodoxe d’Israël.
Quelques 24 mois se sont écoulés depuis cette annonce. Mais, la seule institution académique de niveau universitaire (College) située dans une communauté arabe – l’Academic Institute de Nazareth (AIN) [1]– n’a reçu aucun de ces fonds ni aucun des financements publics normalement attribués à d’autres collèges de la région.
La semaine dernière, les ministres Steinitz et Sa’ar ont soutenu le projet de transformer le « College » d’Ariel en université, ce qui implique une dotation supplémentaire de 50 millions de shekels pour assurer sa viabilité. Pendant ce temps, l’AIN continue d’attendre. Cela nous amène à nous poser la question suivante : comment les citoyens arabes d’Israël doivent ils interpréter la décision de créer et de financer une université dans les colonies avant que le moindre investissement public ne soit accordé à l’unique « College » arabe ?
L’AIN a lutté pendant plus de dix ans pour créer un établissement d’éducation supérieure au sein de la communauté arabe. Dans un premier temps, il a cherché à obtenir sa reconnaissance en tant que branche du campus de l’Université de Tel Aviv, puis comme branche de l’Université d’Indianapolis aux USA. Finalement, le « College » a pu ouvrir ses portes en 2010 en bénéficiant d’un statut d’établissement indépendant, mais sans financement public. Le gouvernement s’est montré modérément réceptif. Et si les divers responsables politiques - l’ex ministre des Minorités, Avishay Braverman tout comme le ministre Sa’ar - ont reconnu verbalement l’importance du développement de l’enseignement pour la communauté arabe, ils n’ont pas pour autant investi réellement dans ce domaine en soutenant l’AIN.
Dans son rapport de 2011 sur l’Education supérieure et le développement régional et urbain de la Galilée, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques a appelé à investir des fonds publics dans l’AIN. Les inégalités persistantes de développement entre les communautés juive et arabe constituent une « menace pour un développement durable à long terme d’Israël » ont souligné les auteurs du rapport. Ces derniers suggèrent aussi qu’un investissement accru dans l’éducation des communautés arabes stimulerait l’économie régionale à moyen terme.
En dépit de cela, le rapport indique que les précédentes tentatives de développer l’enseignement supérieur en Galilée ont toutes concernées principalement les zones à prédominance juive et ont maintenu la situation existante, caractérisée par une surreprésentation des étudiants juifs (dans certains établissements de troisième cyle, ces derniers représentent même 90 % de l’ensemble du corps étudiant).
« Considérant l’actuelle sous représentation de la population arabe dans d’enseignement du troisième cycle, des mesures doivent être prises pour aider l’AIN qui représente le premier établissement arabe de ce type en Israël » dit le rapport.
Près de huit mois se sont écoulés depuis sa publication mais aucune action perceptible n’a encore été entreprise. Comment interpréter la décision du gouvernement qui ignore les recommandations de l’OCDE à propos d’une région située en Israël même et préfère investir massivement dans une infrastructure permanente, établie dans un territoire occupé ?
Pendant ce temps, les droits et les obligations des citoyens arabes ont été au coeur du débat récent à propos de la législation relative au service militaire universel, cela en vertu du principe que tous les citoyens d’Israël devraient assumer leur part du fardeau national.
Cependant, la décision d’établir une université dans la colonie d’Ariel suggère que quelque soit la durée des efforts exigés des Arabes, quel que soit le montant des taxes qu’ils acquittent et quelles que soient les promesses de financement qui leur ont été faites, la priorité sera toujours accordée aux communautés juives – même si ces dernières se trouvent à l’extérieur des frontières reconnues de la nation. En décidant de soutenir Ariel, les ministres israéliens indiquent qu’ils préfèrent subventionner les colons juifs vivant dans un territoire occupé plutôt que fournir une aide équitable aux minorités d’Israël. Ils indiquent aussi qu’ils préfèrent financer une politique expansionniste plutôt qu’investir de manière pragmatique dans l’avenir de l’Etat. Cette décision va à l’encontre de la morale et de la raison. Elle est réellement honteuse.
La décision n’affectera pas simplement l’égalité des chances des groupes ethniques en Israël. Elle envoie également un message fort concernant le point de vue du gouvernement sur les perspectives de paix. En effet, la rebuffade ne s’adresse pas seulement à l’AIN en tant que seul établissement arabe délivrant un enseignement de 3è cycle en Israël, ce qui serait déjà suffisamment négatif. Elle touche aussi le seul établissement administré conjointement par des citoyens arabes et juifs d’Israël tandis qu’elle favorise, dans le même temps, un établissement qui au travers de son association avec le mouvement des colons nie toute idée de partenariat.
Ce gouvernement a choisi un « College » dont l’existence même dépend d’une présence militaire permanente au détriment du seul « Collège » qui propose une éducation fondée sur la paix et un cursus multiculturel. Le message que j’en retire est vraiment alarmant.
Traduction LB pour l’AFPS
Note du traducteur : l’Academic Institute de Nazareth a le statut de « College » tout comme l’établissement situé à Ariel dont la transformation en université est réclamée et soutenue financièrement par les ministres israéliens des Finances et de l’Education, Yuval Steinitz et Gideon Sa’ar. En Amérique du Nord, en général les « Colleges » délivrent des diplômes de Bachelor of Arts et de Bachelor of Science mais pas de mastère.