Il y a des gens qui ne comprennent pas. Atteindre une paix durable avec les Israéliens est un exploit difficile, ardu, semé de détails mais ce n’est pas impossible, à moins bien sûr que les Palestiniens (et les Israéliens) ne restent sur le chemin qu’ils empruntent depuis des années. On a beaucoup parlé -et surtout de façon critique- du retour des Palestiniens aux négociations directes avec Israël.
Il faut reconnaître que les critiques sont justifiées dans la mesure où les Palestiniens plongent la tête la première dans ces négociations sans rien à quoi se raccrocher sinon qu’ils croient aux bonnes intentions du président Obama.
D’autre part, Israël est plus confiant puisque le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a posé ses conditions avant d’accepter l’invitation. Aussi, malgré l’ « optimisme » affiché par Washington sur le début des négociations, il y a un consensus pour penser que tout ce vacarme n’est que « beaucoup de bruit pour rien ».
Il n’y a pas de raison qu’il en soit ainsi pourtant. La société palestinienne est complexe et le pluralisme politique a toujours été pour nous une source de fierté. Les opinions couvrent l’ensemble du champ politique et nombre d’entre elles ne se sont pas fait entendre. En bref, la société palestinienne n’est pas aussi polarisée qu’il y paraît. Il existe un espace entre les opposants [à la reprise des négociations] dans toute leur gloire et ceux qui sont vus comme pliant sous les pressions internationales. L’auteur va prendre la liberté de représenter ici cette position intermédiaire.
La Palestine est confrontée à un sérieux problème, dû largement à la rupture politique entre Fatah et Hamas qui bien sûr se manifeste également par le fossé géographique entre Gaza et la Cisjordanie.
L’une des ramifications que cela a induit c’est que le monde – surtout les Etats-Unis, l’Europe et Israël– classifie maintenant les Palestiniens de cette même façon. Il y a ceux qui soutiennent le président Abbas, son Autorité palestinienne et le gouvernement de Ramallah et il y a ceux qui soutiennent le Hamas et son gouvernement de fait à Gaza. Ceux qui sont au milieu sont totalement ignorés ou simplement marginalisés jusqu’à en perdre toute efficacité.
C’est pour le moins malheureux. Alors qu’Abbas et son équipe de négociateurs s’enfoncent dans les eaux boueuses des discussions directes avec Israël sous l’impulsion des Etats-Unis, il y a ceux qui peuvent critiquer les méthodes et le contexte de ces discussions, mais pas nécessairement le principe d’un accord de paix négocié. Ce groupe de personnes, qui comportent des Palestiniens qui appartiennent à la société civile, au secteur privé et même au gouvernement, a quelque chose à offrir mais n’est pas assez audible.
La plupart des Palestiniens se sont résignés depuis longtemps à ce qu’Israël soit un jour leur voisin d’une façon ou d’une autre. Cette acceptation n’a pas été facile, mes amis, et ce n’est pas à prendre à la légère. Des centaines de milliers de Palestiniens furent chassés de leurs maisons en 1948, pour ne jamais y revenir. Plus de 5 millions de Palestiniens peuvent aujourd’hui se dire réfugiés, sort bien peu enviable auquel on n’a toujours pas remédié.
Pour que l’on puisse arriver à un accord de paix, il faut s’atteler à la question des réfugiés, sur la base de leur droit au retour. Une fois ce droit reconnu par Israël et le reste du monde, les parties pourront discuter les détails de sa mise en oeuvre ou des compensations. Sans cela aucune paix durable ne pourra s’imposer, tout comme une personne saignant d’une blessure béante ne pourra survivre longtemps.
Une autre question, ce sont les colonies juives en Cisjordanie. Le président Abbas a dit avec insistance qu’Israël devait poursuivre le gel des colonies si l’on veut que les discussions continuent, mais, honnêtement, c’est loin d’être suffisant. Les colonies sont et seront toujours illégales au regard du droit international. Rien ne peut et ne doit changer cela. Il existe même des Israéliens qui savent que cela est vrai. Plus de 150 artistes israéliens ont signé une pétition affirmant qu’ils refusaient de se produire à Ariel –une des plus grandes colonies de Cisjordanie-, ou d’ailleurs dans toute autre colonie juive. 150 artistes américains leur ont emboîté le pas.
"Nous soutenons les acteurs de théâtre qui refusent de jouer à Ariel, nous tenons à saluer leur courage public et les remercions de remettre au premier plan médiatique le débat sur les colonies," dit la pétition. "Nous aimerions rappeler au public israélien que, comme toutes les autres colonies, Ariel se trouve en territoire occupé."
Et puis, il y a Jérusalem, la cité d’or. Les Palestiniens en ont déjà été chassés de plus de la moitié et se sont résignés au statu quo. Pourtant Israël est une puissance occupante à l’Est, c’est le droit international qui le dit, et même les Etats-Unis ne peuvent pas réfuter pas ce fait. Si Israël n’accepte pas que Jérusalem soit une capitale internationale pour tous (malheureusement), alors les Palestiniens feront leur capitale dans la partie orientale. Ceci ne veut pas dire que l’on ne peut pas trouver d’arrangement pour le culte dans les lieux saints ni que les Palestiniens vont commencer à bombarder le secteur occidental de la ville dès qu’ils auront pris le pouvoir. Si on arrive à la paix, elle sera durable.
Bien sûr il y a toute une liste d’autres questions sur lesquelles il faudra se pencher, mais si un cadre sain est établi, on pourra trouver les solutions. Les négociations elles-mêmes et en elles-mêmes ne sont pas le problème. Au contraire, elles sont le meilleur outil utilisé dans tout scénario de résolution de conflits. Dans l’histoire, combien de conflits inextricables ont-ils été résolus par des accords de paix ?
L’envoyé spécial des Etats-Unis pour le processus de paix, George Mitchell, a lui-même été partie prenante de la signature de l’Accord du Vendredi saint pour l’Irlande du Nord en 1998. C’est pourquoi, la majorité des Palestiniens sont opposés aux négociations avec Israël seulement sur le cadre et les conditions (ou leur absence) de ces négociations, pas sur le principe lui même.
Cela ne veut pas dire qu’un secteur de la société palestinienne (le Hamas) est totalement isolé de l’ensemble du champ des négociations de par sa posture de rejet. Même eux, pourtant, peuvent se laisser persuader si une solution juste et honnête est trouvée.
C’est bien ça l’expression clé –« juste et honnête ». C’est pour cette raison que les négociations précédentes ont échoué –les solutions proposées n’étaient ni justes ni honnêtes.
La direction palestinienne a maintenant l’opportunité de puiser dans les réserves d’énergie de son peuple pour renforcer sa position et l’opportunité de comprendre que la nation ne se ralliera autour d’elle que quand et si elle les représente véritablement.