Avec son air de jeune cadre dynamique, sa chemise bien repassée et sa petite kippa tricotée sur le sommet du crâne, Bezalel Smotrich, 36 ans, pourrait facilement être le gendre idéal que les mères juives traditionnelles recherchent pour caser leur fille. Mais ce colon pur et dur né en 1980 sur le plateau du Golan (un territoire syrien occupé depuis 1967) avant de s’installer à Beit El puis à Kedoumim (deux colonies de Cisjordanie occupée) a choisi un autre chemin : celui de la politique.
Et pas n’importe laquelle, puisque depuis son élection à la Knesset en 2015 sur la liste du parti d’extrême droite Foyer juif, Smotrich est devenu un des débatteurs les plus influents de l’Assemblée. Un élu brillant avec le sens de la formule - il compare la récente évacuation de l’« avant-poste » d’Amona (Cisjordanie) par la police israélienne au « viol d’une femme » - doublé d’un excellent manœuvrier. Les chroniqueurs israéliens ont d’ailleurs pu prendre la mesure de son talent lorsqu’il s’est agi de faire voter, malgré l’opposition de Benyamin Nétanyahou, la nouvelle « loi de régularisation » légalisant notamment le vol de terres privées agricoles par les colons des « avant-postes » (lire ci-contre), ces petites colonies sauvages reconnues ni par le droit international ni par celui de l’Etat hébreu.
Ecole talmudique
Pourtant, Bezalel Smotrich n’est pas le seul colon à occuper des fonctions politiques importantes en Israël. Cependant, contrairement à beaucoup d’autres, le jeune député passe pour une bête politique. Formé au sein de la yeshiva (école talmudique) Merkaz Harav, où l’on trouve la crème de la crème des jeunes partisans du « Grand Israël », puis dans plusieurs autres yeshivot de Cisjordanie, Smotrich a été programmé depuis l’enfance pour servir la colonisation. Et pour la développer. Avant d’entrer à la Knesset, il gagnait sa vie en tant qu’avocat, mais la seule cause qui en vaille la peine à ses yeux est celle du « Grand Israël s’étendant de la mer Méditerranée au Jourdain ».
Totalement inconnu à l’étranger, Smotrich passe en tout cas pour une figure incontournable de la vie politique israélienne. Parce qu’il a une grande gueule ? Sans doute. Mais également parce qu’il tient un rôle central au sein du Foyer juif et que le Likoud, le parti de Benyamin Nétanyahou, qui craint de perdre son électorat, a de plus en plus tendance à s’aligner sur ses positions. Ses classes, le jeune député les a faites sur le terrain, en manifestant pour « défendre la présence juive » dans les territoires palestiniens. Durant l’été 2005, il a ainsi été arrêté pour avoir participé à des violences visant à empêcher le démantèlement des colonies de Gaza voulu par Ariel Sharon, le Premier ministre de l’époque. Il n’a cependant jamais été inculpé. Depuis lors, l’étoile de Smotrich n’a cessé de monter grâce au soutien du « Yecha » (le lobby des colons) et de ses satellites. Ce qui ne l’empêche pas de ratisser large afin de rassembler autour de lui le ban et l’arrière-ban de l’extrême droite.
Parturientes
En 2015, estimant que les gays sont des « anormaux », et que les médias de son pays sont « contrôlés par les gays », il s’est ainsi proclamé « fier d’être homophobe ». Dans un pays où la Gay Pride de Tel-Aviv est quasiment un événement national attirant des dizaines de milliers de participants israéliens, palestiniens et étrangers, ces propos ont évidemment fait scandale. Mais pas autant que ses tweets d’avril 2016 déplorant que son épouse ait à côtoyer des parturientes arabes dans l’hôpital où elle venait d’accoucher. Une bourde ? Bien au contraire. Smotrich a revendiqué sa position, plaidant l’instauration d’une séparation entre les femmes arabes et juives dans les établissements de soin.
Finalement, De quoi Smotrich est-il le nom ? D’une extrême droite raciste et décomplexée ? Sans doute, mais pas seulement. Car l’élu est également un brillant représentant de la deuxième génération de colon. Celle qui a grandi dans les Territoires occupés, qu’elle considère comme siens et dans lesquels elle voudrait instaurer un ordre « différent ». Les ultras, dont Smotrich est le porte-étendard, dénoncent en effet les « magistrats gauchistes ». Et surtout la Cour suprême d’Israël, l’instance judiciaire supérieure servant à la fois de Conseil constitutionnel, de Conseil d’Etat, et de « dernier recours » pour les citoyens ordinaires estimant avoir subi un préjudice. Ces attaques ne sont évidemment pas lancées par hasard. Car Smotrich et ses amis ont un projet au moins aussi grand que celui de faire annexer définitivement la Cisjordanie par Israël. Ils rêvent aussi de transformer leur pays en un Etat théocratique au sein duquel les règles ancestrales de la Torah supplanteraient les lois civiles. Une charia à la juive en quelque sorte.