Cette distinction représente un
succès de la droite colonisatrice qui veut faire croire aux gens qu’il
est normal que des centaines de milliers d’Israéliens continuent à
habiter en-dehors des limites de l’Etat souverain, dans une région où,
depuis plusieurs générations, la population qui les entoure se voit
dénier ses droits les plus élémentaires.
De plus, discuter séparément
des avant-postes sert de ligne de défense aux colons. Quiconque veut
franchir cette ligne, en politique ou dans les médias, constatera un
jour ou l’autre qu’entre temps, les "colonies légales" ont doublé ou
triplé de volume.
Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Oui, c’est un
résumé de l’histoire des colonies en Cisjordanie ces dix dernières
années. Voici quelques exemples qui vous feront toucher de doigt le
phénomène : Migron (environ 40 familles), Horeah (environ 15 familles)
et Havat Gilad (trois familles plus un grand nombre de jeunes en-dehors
de tout cadre légal) sont trois parmi la centaine d’avant-postes en
Cisjordanie. Ces avant-postes font régulièrement les grands titres, lors
d’une tentative d’évacuation d’une cage à poules ou d’une caravane
introduites là pendant la nuit, tentative en général infructueuse,
d’ailleurs.
Y a-t-il quelqu’un, qui connaisse, même de façon
superficielle, le tissu composé par les colonies et le découpage du
territoire en dizaines d’enclaves, et qui pense sérieusement que la
présence des 250 Israéliens tout au plus qui vivent dans ces
avant-postes (dont la plupart sont des bébés ou de jeunes enfants) pèse
vraiment sur la question du contrôle par Israël de la Cisjordanie ? Les
questions récurrentes autour de tel ou tel avant-poste permet aux colons
de détourner l’attention des vrais problèmes auxquels la société doit
répondre, et ce sans retard.
S’il y avait un débat sérieux sur l’avenir
de la Cisjordanie et des colonies, les noms de trois colonies, proches
des trois avant-postes mentionnés plus haut, apparaîtraient : Kokhav
Yaakov (environ 4000 habitants), Eli (environ 2200) et Kedoumim (environ
3000). Leur superficie et leur population ont triplé depuis dix ans. Un
débat sérieux exigerait de la société israélienne qu’elle comprenne au
préalable deux faits simples et fondamentaux : 1/ Il y a deux nations
bien distinctes qui vivent sur cette terre, les Juifs et les Arabes
palestiniens. 2/ En aucune manière le destin de l’une ne demeurera
soumis aux caprices de l’autre alors que c’est précisément le
programme politique pour lequel ces colonies et avant-postes ont été
créés.
Néanmoins, une analyse historique des colonies fait apparaître un aspect
qui distingue les avant-postes (ou, plus précisément, un certain nombre
d’entre eux, soit ceux créés ces toutes dernières années)) de
l’entreprise de colonisation en général : la création de certains des
avant-postes reflète une nouvelle phase dans l’histoire de son
évolution, où la puissance des systèmes politique et bureaucratique
conçus pour servir les colons a commencé à développer des anticorps
contre ces mêmes systèmes et ceux qui les ont créés.
Il s’agit d’une
phase où les autorités israéliennes ont perdu le contrôle, non seulement
sur le comportement des colons, mais sur ce qui est fait avec les
ressources énormes placées entre leurs mains. Ainsi émerge une situation
distordue, où les élus régionaux de Cisjordanie, des gens élus pour
collecter les impôts locaux et réparer la voirie avec les fonds
collectés, sont occupés à peser sur la politique étrangère et de défense
de l’Etat d’Israël.