Participants : ambassade d’Argentine, ambassade de Turquie, Consulat Général de Suède, Consulat Général de Turquie, Representation allemande auprès de l’Autorité Palestinienne, Representation suisse auprès de l’Autorité Palestinienne, Representation hollandaise auprès de l’Autorité Palestinienne, ACPP, ACD, CESVI, CISS, CARE international, Fondation Heinrich Böll, Fondation Konrad Adenauer, Mercy Corps, Miftah, Oxfam solidarité Belgique, Oxfam Royaume-Uni, Rural Women Development Society, SDC, Voice of Palestine, Welfare association.
La présence d’un nombre important de représentants nationaux et d’ONG internationales est la preuve de l’intérêt pour la société civile palestinienne et le combat pour la démocratie et le dialogue. Ils travaillent de longue date avec le secteur non-gouvernemental palestinien et nous espérons que cette collaboration sera maintenu quel que soit le gouvernement.
Nous espérons que cette rencontre n’était pas un événement exceptionnel mais au contraire la première étape d’une collaboration entre nous. Nous pensons qu’il est essentiel que ces coopérations - entre ONG locales et internationales, et entre le secteur non-gouvernementale et la communauté diplomatique internationale - soient renforcées.
Nous sommes persuadés que la mise en place d’un tel dialogue est nécessaire si nous voulons participer au développement économique et social des Territoires Palestiniens Occupés, et si nous voulons lancer un message politique fort pour demander la fin de l’occupation et la liberté pour les Palestiniens.
Intervention de Dr Shiqaqi, Palestinian center for policy and survey research.
Pourquoi y a-t-il eu un tel écart entre les sondages et les résultats des élections ?
Les informations étaient correctes (le nombre de sièges du Fatah, des indépendants, du FPLP...) mais pas ceux pour le Hamas qui a obtenu 44% et non 35%. C’est la première fois que les sondages échouent dans la prévision des résultats, car même lors des récentes élections municipales il n’y a pas eu d’erreur, nous ne pouvons donc remettre en cause la méthodologie. Une des explications données par Dr Shiqaqi est l’influence des indécis qui pourraient avoir décidé de voter Hamas au dernier moment car leur campagne a été bien meilleure en terme de communication et d’organisation.
Même les sondages à la sortie des urnes ont été démentis par le résultat (ils annonçaient la victoire du Fatah). L’explication proposée tient dans le fort pourcentage de refus de la part des sympathisants du Hamas qui aurait suivi l’ordre du parti de ne pas répondre.
Que signifie la victoire du Hamas ?
Il ne s’agit pas d’une révolution en terme d’opinion publique car il ne s’agit que de 44% des votants, ce qui signifie 44% de 77% des personnes enregistrées. Nous pouvons donc considérer que les 66 autres pourcents ont voté pour l’agenda national.
L’analyse des électeurs du Hamas montre les différentes motivations pour ce choix. Tout d’abord on peut constater que seulement 50% d’entre eux s’identifient comme des personnes religieuses pratiquantes ce qui signifie que les gens n’ont pas tous voté Hamas pour l’application de la charia’ (loi islamique). Plus surprenant, environ 40% d’entre eux ne partagent pas l’agenda politique du Hamas, puisqu’ils sont d’accord avec la feuille de route, la reconnaissance d’Israël et la démilitarisation. Seuls 14% déclarent avoir choisi le Hamas parce qu’ils pensaient qu’il serait capable d’améliorer leurs conditions économiques.
Donc pourquoi les gens ont-il voté Hamas ?
La réponse semble se trouver dans le slogan de l’organisation : réforme et changement. En effet, la plupart de leurs électeurs ont déclaré avoir choisi cette liste pour donner un message fort contre la corruption et l’anarchie. Selon Dr Shiqaqi, il s’agit bien plus d’une punition du Fatah que d’un réel choix pour le Hamas.
On pourrait dès lors s’interroger sur la raison pour laquelle la troisième voie (la gauche) n’a pas été choisie. Il semble que les gens voulaient vraiment la défaite du Fatah et que le seul à pouvoir l’assurer était le Hamas car il était plus fort et surtout plus organiser. De plus l’impact psychologique de la défaite du Fatah est d’autant plus fort qu’elle a lieu au bénéfice du Hamas.
La plus grande réussite de la campagne du Hamas a été de mettre la corruption au premier plan du débat électoral. Le Fatah a donc été punis parce qu’il n’a pas été capable de lutter contre la corruption et l’anarchie dans l’application des lois.
Quelles sont les alternatives pour le prochain gouvernement
Le Hamas va devoir composer avec l’élection de Mahmoud Abbas en 2005 qui avait rassemblé 63% des votes, ce qui signifie que les gens ont voté à cette période pour l’agenda national de négociations avec Israël.
Il y a maintenant trois alternatives pour former un gouvernement :
Un gouvernement d’experts responsable devant le Parlement. Ce gouvernement devrait prendre en charge les dossiers sociaux et économiques alors que le président s’occuperait des négociations politiques avec la communauté internationale. Il s’agirait d’une alternative de court terme.
Un gouvernement d’unité nationale avec un acteur tiers qui serait premier ministre (indépendant...). Le problème est que peu de personnes se battent pour cette solution et le Fatah y semble même opposé. La communauté internationale devrait faire pression pour cette alternative car elle serait la plus pérenne et la plus efficace pour diriger l’Autorité Palestinienne.
Un gouvernement dirigé par le Hamas qui mettrait en place son programme social. Cela aboutirait à la démission de Mahmoud Abbas. Mais ce n’est absolument pa une solution durable sur le long terme car cela signifierait que le Hamas fasse face à toute la communauté internationale et à une part importante de la société palestinienne.
Dr Shiqaqi réaffirme que la reconnaissance d’Israël n’est pas un devoir du Hamas parti politique mais de l’Autorité Palestinienne en ce qu’elle représente le gouvernement des territoires.
Intervention du Dr Ismaïl Daiq - Agricultural Development Association (PARC)
Dr Daiq a commnencé par un rapide historique du secteur non-gouvernemental en Palestine en disant que tout avait débuté grâce au travail bénévole et à la participation du peuple palestinien. A cette période les ONG étaient très proches du peuple.
Quand l’Autorité Palestinienne a été mise en place en 1995, il y a eu un conflit avec les ONG palestinienne déjà existantes car elles avaient des difficultés à accepter le contrôle de l’Autorité Palestinienne. En 2000, une loi fut votée pour réglementer les activités des ONG et les relations ont commencé à s’améliorer.
Le problème est que la plupart des ONG s’est focalisée sur les élites et s’est installée dans de grands bureaux dans les villes. Dès lors de nombreux services n’étaient pas apportés dans les zones rurales ce qui a laissé le champ libre à l’intervention du Hamas. Aux alentours de 2000, PARC a décidé de réformes pour renforcer son engagement auprès des organisations de base et a essayé d’éclairer les bailleurs de fonds et les organisations locales sur l’importance de construire un mouvement social de base.
Les gens ont commence à identifier les ONG à l’Autorité Palestinienne car 185 d’entre elles étaient directement ou indirectement financée par l’autorité en devenant des organisations attachées au gouvernement. Et c’est alors que les palestiniens ont commencé à rapprocher le secteur non-gouvernemental avec la corruption émergente.
Certains membres de la communauté des ONG ont commencé à s’engager dans la vie politique, dans la troisième voie. Mais ils n’ont pas réussi à s’unifier pour représenter une alternative au Hamas et au Fatah.
Dr Ismaïl a souligné le fait que certains bailleurs de fonds avaient demandé des projets conjoints entre les ONG palestiniennes et l’Autorité, et que de cette politique avait résulté un affaiblissement des ONG et établit un fossé entre le peuple et le secteur non-gouvernemental, ce qui a préparé la voie pour le Hamas.
Dr Ismaïl a suggéré de mettre la priorité aux actions sur les communautés de base. Il a également insisté sur le fait que le secteur non-gouvernemental avait besoin de moins de pression de l’extérieur - notamment des bailleurs de fons - et plus de coopération de l’intérieur - entre les ONG.
Hanna Siniora - European Palestinian Chamber of Commerce
M. Siniora était d’accord avec l’interprétation de la victoire du Hamas par Dr Shiqaqi.
Il a suggéré la possibilité d’un partage du pouvoir entre le premier ministre et le président notamment sur la question de la sécurité considérant que les forces de sécurité sont actuellement des sympathisants du Fatah.
Il partageait l’idée que le Hamas allait concentrer son action sur les questions sociales et mettre en place leur slogan pour le changement et les réformes afin de montrer qu’ils sont différents du Fatah et plus efficaces. Le président et l’OLP seraient en charge des négociations et des relations extérieure car le Hamas ne peut affronter seul le monde entier.
Selon lui, il est trop tôt pour savoir quelles vont être les priorités du Hamas et ses relations avec Mahmoud Abbas et la communauté internationale. Cependant, il met en avant le fait que la position du Hamas contre la reconnaissance d’Israël n’est pas différente de celle de l’OLP il y a vingt ans, et nous devons donc espérer que le contact avec la realpolitik changerait leur position. La récente déclaration à propos de la possibilité d’un cessez-le-feu à long terme semble aller dans ce sens.
Il a appelé la communauté internationale a joué un rôle actif dans l’évolution de la situation sociopolitique palestinienne. Il a regretté la première réaction des Israéliens et des Américains qui avaient annoncé leur arrêt des versements de l’aide aux Palestiniens. Ce type de déclaration irréfléchie et trop rapide aurait pu provoqué une radicalisation du Hamas.
Selon lui, l’éventualité d’une baisse du soutien international à l’Autorité Palestinienne aurait pour effet d’accroître le rôle es ONG mais entraînerait une forte pression et une dimension politique qui pourraient être néfastes.
Débat avec Mohammed Altar comme médiateur
La représentation hollandaise a souhaité clarifier la position de l’Union Européenne à propos des élections qui peut être résumer en un mot : attendre. En effet l’UE considère ce moment comme une période de transition durant laquelle le gouvernement va être choisi et par ce même biais toute l’orientation politique de l’Autorité Palestinienne. Les pays de l’Union refusent de créer une situation de crise financière en mettant fin à l’aide. Au contraire ils ont exprimé le désir d’influencer les choix du Hamas en étant un partenaire financier. Le représentant a affirmé qu’il était impossible de demander trop à la fois au Hamas, comme une immédiate démilitarisation et la reconnaissance d’Israël, car le parti refuserait cela, mais qu’il était important de maintenir une relation qui permettrait intégrer le Hamas dans le processus politique.
Mais il a aussi ajouté qu’il y existe un sérieux problème quant à la légalité des aides versées pour les Etats-Unis tout comme l’Union Européenne, car le Hamas est inscrit sur la liste des organisation terroriste, and de ce fait il ne peut être financé.
Un représentant de Welfare association a insisté sur l’influence d’Israël et des Etats-Unis dans la progression du Hamas en disant qu’ils n’avaient pas apportés leur soutien à l’Autorité Palestinienne par les constantes violations de la feuille de route, et de ce fait avait renforcé l’impression d’une direction inefficace.
Une représentante de l’assocation Rural Women Development Society, candidate pour les élections dans le district de Jérusalem, insistait sur le fait que la victoire du Hamas était un échec des travailleurs humanitaires qui n’ont pas pu apporter une alternative à la pauvreté des gens. Elle a appelé tout le monde à travailler ensemble pour proposer un meilleur futur non seulement à ce pays mais également à la région.
Une représentante d’Oxfam Belgique a insisté sur le rôle joué par les ONG internationales qui ont investi d’importantes sommes d’argent dans des projets de développement mais n’ont pas joué de rôle politique. Elle a réaffirmé que sans mesures politiques, ce travail resterait inefficace. Il lui est apparu important que la communauté internationale ne se contente pas de condamner le Hamas en tant qu’organisation terroriste, mais qu’elle condamne aussi Israël pour ses violations des droits de l’homme et du droit international. Elle a souligné la nécessité du travail commun des ONG et de l’autorité palestinienne pour la planification du développement dans les territoires. Elle a aussi demander une meilleure évaluation des projets de développement, notamment dans le secteur de la promotion féminine, car de nombreuses femmes ont voté pour le Hamas malgré un travail important dans cette direction.
Quelqu’un a interrogé le Dr Shiqaqi à propos du cas de Qalqilyia, où le Hamas a été élu aux élections locale mais a subi une défaite aux législatives. Il a répondu que la logique électorale était différente dans les élections locales et nationales, notamment si l’on considère les différentes stratégies de vote entre les zones urbaines et rurales. Il a insisté sur le fait que habituellement les zones urbaines sont plus enclines à supporter le Fatah alors que les zones rurales et les camps de réfugiés supportent plus le Hamas.
Interrogé sur la possibilité d’une révolution islamique en Palestine et de la mise en place de la charia’, Dr Shiqaqi a dit que le Hamas ne serait pas capable d’aller à l’encontre de la volonté d’une majorité du peuple et que selon les sondages il n’y avait pas un soutien massive pour une telle révolution. Il a affirmé que l’influence des Frères Musulmans n’irait sans doute pas dans le sens d’une radicalisation de la position du Hamas mais au contraire dans le sens de la modération.
A propos des forces de sécurité Hanna Siniora a dit qu’il serait souhaitable que les forces du Hamas soit intégrées dans les forces nationales de sécurité dans un premier temps, et dans un second temps que l’effectif ce ces forces soit réduit progressivement.
Pour conclure, Dr Ismaïl a appelé la communauté internationale à jouer un rôle pour influencer le Hamas dans sa politique car selon lui, deux choix s’offraient aujourd’hui au future gouvernement : un pays islamique qui se rapprocherait d’Al Qaida ou un pays moderne et laïc sur le mode de la Turquie.
Delphine Thizy
Département Lobbying et Advocacy
Ramallah, 6 février2006
Palestinian Agricultural Relief Committees