A Mme Heidi Hautala, présidente du Sous-comité des Droits de l’Homme du Parlement Européen :
Les ONG soussignées, basées en Europe et en Israël, aimeraient respectueusement attirer l’attention du Sous-comité des Droits de l’Homme du Parlement Européen sur la situation en détérioration permanente de la protection des droits de l’Homme en Israël.
Le dernier évènement en date, qui suit une inquiétante série d’incidents de violation des droits de l’Homme, est l’arrestation du défenseur des droits de l’Homme Ameer Makhoul, directeur de l’organisation Arabe Ittijah, qui regroupe plusieurs organisations arabes locales.
M. Makhoul a été arrêté le jeudi 6 mai à 3h10 du matin, dans sa maison, devant sa femme et ses enfants, par 16 policiers et agents des services secrets. Immédiatement après, le gouvernement a imposé une interdiction de publier le nom de M. Makhoul, ainsi que plus généralement d’aborder son arrestation. Cette interdiction n’a été levée que le 10 mai, après que les avocats de M. Makhoul aient soumis une demande au tribunal. La détention de M. Makhoul, qui devait à l’origine durer 6 jours, a été étendue à 12 jours par ce même tribunal, qui a également confirmé l’interdiction faite à M. Makhoul de voir un avocat. Lundi 17 mai, pour la première fois en 11 jours, M. Makhoul a pu s’entretenir avec son avocat, seulement 10 minutes [1].
En avril dernier, plusieurs ONG et députés européens ont attiré l’attention du Parlement Européen sur une proposition de loi présentée à la Knesset (Parlement israélien) en début d’année sur le financement des ONG. Cette loi obligerait les ONG ayant un but politique (notion définie dans la proposition de loi comme le fait, pour une ONG, de « chercher à influencer l’opinion publique ») à s’enregistrer comme « parti politique » (perdant par la-même leur exonération d’impôt et la possibilité de demander certains financement aux institutions publiques internationales). Les ONGs ciblées se verraient ainsi dans l’obligation systématique d’obtenir l’autorisation de l’Etat pour demander ou recevoir des subventions de la part de toute entité étrangère, l’Union Européenne incluse. Il va s’en dire que si cette loi devait être adoptée, elle pourrait asphyxier la société civile en Israël et particulièrement, les ONGs de défense des droits de l’Homme. La proposition de loi a passé l’étape de la première lecture à la Knesset et est actuellement en cours de deuxième et troisième lectures.
Cette proposition survient après une série d’incidents qui ont eu lieu cette année, à la suite de la publication du « rapport Goldstone » par les Nations-Unies, tels que les revendications anti- Nouveau Fonds Israélien (New Israeli Fund (NIF)) du groupe étudiant extrémiste Im Tirtzu, largement médiatisées et soutenues par plusieurs organisations israéliennes, notamment l’organisation de surveillance des ONGs. Adalah, l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI) ainsi que plusieurs autres ONGs importantes ont été attaquées par cette campagne de dénigrement qui a été suivie par l’introduction, en avril 2010, d’une proposition de loi dont l’objet est de permettre au registre des ONGs ou au Procureur de proscrire les associations qui sont impliquées, soit directement, soit indirectement en tant que source d’informations, dans des procès intentés à l’étranger contre des hauts-représentants de l’armée ou du gouvernement israéliens pour crimes de guerre. De plus, au cours des 12 derniers mois, les directeurs de l’ACRI, du Mossawa Center et du Centre Israélien d’Action Religieuse (Israel Religious Action Center) ont été arrêtés dans une tentative d’intimidation afin de les décourager de leurs activités de promotion et de protection des droits de l’Homme et des valeurs démocratiques en Israël. D’autre part, en quelques mois, plusieurs sondages alarmants ont révélé que 57,6% des sondés estimaient que les organisations de défense des droits de l’Homme qui dénonçaient publiquement des conduites immorales de la part d’Israël ne devraient pas être autorisées à opérer librement (sondage du Centre Tami Steinmetz pour la Recherche pour la Paix de l’Université de Tel Aviv).
La situation d’urgence provoquée par ces violations successives des droits de l’Homme en Israël, ainsi que l’absence visible de protection des défenseurs des droits de l’Homme poussent les ONGs soussignées à demander une audience immédiate à la Sous-Commission Droits de l’Homme du Parlement Européen.
Au-delà de la responsabilité fondamentale de promotion de la valeur universelle de démocratie qui est au coeur de l’Union Européenne, la relation spéciale qu’entretient cette dernière avec Israël, telle que gravée dans la politique européenne de voisinage, dans l’Accord d’Association et le Plan d’Action UE-Israël, requiert que l’Union Européenne n’accepte d’Israël que le respect le plus absolu des standards qu’elle promeut depuis sa création en matière de droits de l’Homme et de valeurs démocratiques.
Sincères salutations,
Jafar Farah,
directeur du Centre Mossawa [2]
Associations européennes :
Association France-Palestine Solidarité – Jean-Claude Lefort, Président
Euro-Mediterranean Human Rights Network – Marc Schade-Poulsen, Executive Director
Fédération Internationale des Droits de l’Homme – Souhayr Belhacen, Présidente, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme
French Jewish Union for Peace (UJFP) – Michèle Sibony and André Rosevègue, Co-chairmen
Génération Palestine-France – Omar Soumi, President
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) – Eric Sottas, Secrétaire Général, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme
Plateforme des ONGs Françaises pour la Palestine – Bernard Ravenel, Président
Associations de défense des droits humains en Israël :
Adalah, the Legal Center for Arab Minority Rights in Israel – Hassan Jabareen, Director [3]
Mossawa Center – Jafar Farah, Director