Wadi El-Nasara est un quartier palestinien d’environ dix mille habitants près duquel Israël a construit la colonie illégale de Qiryat Arba’. Il y a plus d’un an, après un échange de coups de feu entre les forces israéliennes et des résistants palestiniens, les militaires israéliens ont fermé toutes les entrées du quartier. Dans le droit fil de la politique israélienne habituelle de châtiments collectifs brutaux à l’encontre des civils palestiniens, le commandant militaire a ordonné la fermeture de dizaines de magasins de la rue Wadi El-Nasara Street, principale artère du quartier et principale voie d’accès à Beni Na’im, à d’autres villes et villages à l’Est d’Hébron. Il a également été interdit aux Palestiniens d’emprunter cette rue en véhicule à moteur, ce qui les a littéralement renvoyés au Moyen-Âge en ne leur laissant d’autre choix que la marche. Qu’en est-il des Palestiniens ne pouvant marcher ou obligés de déplacer leurs marchandises en voiture ? Ceux-ci sont maintenant contraints de faire un énorme détour par le Sud vers le quartier d’Abou Sineina, puis par l’Ouest vers le centre d’Hébron. Ainsi, parce que les forces d’occupation leur interdisent de faire quelques centaines de misérables mètres rue Wadi El-Nasara Street, les véhicules palestiniens sont-ils maintenant contraints de parcourir au moins quatre kilomètres et de négocier un grand nombre d’autres routes bloquées par l’armée israélienne.
Ces derniers mois, Wadi El-Nasara et d’autres quartiers palestiniens au Sud de la colonie illégale de peuplement d’Qiryat Arba’ se sont trouvés en butte aux agressions perpétuelles des colons d’Qiryat Arba’ et d’autres colonies de cette zone. Les colons ont saisi des terres palestiniennes et utilisé des bulldozers (de fabrication états-unienne) pour raser la zone, déracinant de nombreux arbres et détruisant clôtures et terrasses. Les bulldozers ont maintenant atteint les premières maisons palestiniennes, dont certaines ont déjà été endommagées ou couvertes de décombres. Les forces israéliennes ont détruit l’une des maisons de la famille Da’ana afin d’étendre la "clôture de sécurité" autour des colonies, lesquelles jouxtent maintenant les maisons du quartier en de nombreux endroits, bloquant totalement fenêtres et portes, en emmurant littéralement les habitants.
Au cours des derniers mois, des Palestiniens ont été attaqués des dizaines de fois par des colons, au vu et au su de la police et de l’armée israéliennes. Ces dernières, qui se sont bien gardées d’intervenir, ont même parfois participé aux assauts. En général, les colons lancent de grosses pierres sur les maisons palestiniennes, brisant les vitres et endommageant les véhicules ; il est parfois arrivé qu’ils tirent dans les maisons et de nombreux habitants ont ainsi été blessés, parfois gravement. Les personnes qui se rendent chez Samih Da’ana peuvent d’ailleurs voir les impacts de balles sur les murs intérieurs de la maison, les portes et les fenêtres et même dans les chambres, où plusieurs membres de la famille ont été blessés par le feu des colons.
Les Palestiniens vivant près d’Qiryat Arba’ sont également soumis à des couvre-feu nocturnes depuis plus d’un an, et la plupart des attaques des colons ont eu lieu de nuit, alors que les Palestiniens étaient confinés dans leurs foyers sur ordre du commandement militaire israélien. Les couvre-feu imposés par les Israéliens ont singulièrement compliqué la tâche des ambulances tentant de pénétrer dans la zone pour porter secours à des Palestiniens blessés, en particulier lors des agressions répétées de ces dernières semaines, au cours desquelles les colons ont intensifié leurs tentatives de prendre le contrôle des terres palestiniennes proches des colonies.
Il y a un an, l’armée israélienne a donné l’ordre d’ouvrir pour les colons une nouvelle route reliant Qiryat Arba’ au centre d’Hébron à l’Ouest. Cette voie, baptisée par les colons "route des fidèles", leur permet d’atteindre la mosquée Ibrahimi / Cave des Patriarches sans quitter les zones sous contrôle militaire israélien. Les autorités coloniales chargées d’appliquer l’ordre militaire ont considéré que l’actuelle rue Wadi El-Nasara serait une bonne option pour la nouvelle route des colons, ignorant impitoyablement les graves conséquences d’un tel choix sur des milliers de familles palestiniennes de la zone. Ladite route a donc été fermée aux Palestiniens et réservée aux seuls colons. Depuis lors, ces derniers ne cessent de harceler les Palestiniens et d’attaquer les maisons palestiniennes tandis qu’ils transitent librement dans le quartier Wadi El-Nasara.
La semaine dernière, le siège du quartier s’est encore trouvé resserré lorsque l’armée israélienne a dressé deux portails de fer du côté ouest de la route, les flanquant de nouvelles positions militaires constamment gardées par des soldats israéliens. Les soldats ont commencé à empêcher les Palestiniens d’utiliser la rue Wadi El-Nasara, même à pied, la leur fermant complètement. C’est dans ce contexte qu’il convient de resituer l’attaque des soldats contre la petite Da’ana. Des fils barbelés et électrifiés ont été installés dans cette zone, ainsi que des projecteurs et des caméras de surveillance braquées vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur les maisons du voisinage.
La semaine dernière, lors d’une action sans précédent, l’armée israélienne a scellé deux maisons du quartier sans en avoir préalablement informé les habitants. L’accès de ces maisons, l’une de 200 m2 appartenant à Munther Da’ana, l’autre de 150 m2 appartenant à Nafez Da’ana, a été condamné par soudure. Tous les magasins des deux côtés de la rue ont également été scellés et un couvre-feu très strict imposé de jour à certaines maisons dont les habitants se trouvent même empêchés de travailler dans leur propre jardin. Même les personnes âgées ne sont pas à l’abri de l’armée israélienne : mercredi dernier, Mahmoud Jaber, un vieil homme qui cueillait des fruits dans le jardin adjacent à sa maison, a été humilié par des soldats israéliens qui l’ont menacé de leurs armes avant de lui ordonner de rentrer.
La saisie par les Israéliens des terres de Wadi El-Nasara et l’extension de la colonie de peuplement d’Qiryat Arba’, tout comme les maintes agressions violentes perpétrées par les colons, les scellements de maisons et de magasins et la fermeture de la route principale ont porté tort à des milliers de familles palestiniennes. Des habitants palestiniens ont déposé auprès de la police israélienne de nombreuses plaintes relatives aux attaques des colons ; elles ont toutes été ignorées. Les Palestiniens de Wadi El-Nasara pensent que la campagne israélienne menée contre eux ces derniers mois a pour but de les forcer à quitter leurs foyers dans la vieille ville afin de libérer davantage de terres pour le projet colonial israélien.
Dans ces conditions, comment décrire la fermeture complète d’une route centrale au cœur d’un quartier -une route utilisées depuis des centaines d’années par les habitants civils autochtones- et, simultanément, son ouverture exclusive à des colons illégaux ? Comment décrire ce qu’Israël a fait à Wadi El-Nasara ?
Deux termes comparatifs sont le mieux à même de saisir cette situation démente et inhumaine : racisme colonial et apartheid.