Au cours des huit derniers mois, les manifestations contre Israël, de Londres à Washington, ont eu une nouvelle enfant-vedette. L’image des yeux bleus d’Ahed Tamimi regardant d’un air de défi d’en-dessous sa chevelure de boucles d’or est devenu un symbole autour duquel a pu se rassembler la cause palestinienne à l’échelle mondiale.
Quand Israël a arrêté et emprisonné l’adolescente pour avoir donné un coup de pied et une gifle à un soldat israélien en opération en Cisjordanie – l’enregistrement s’est bientôt propagé.
Que cela ait été les pancartes « Libérez Ahed » levées dans les manifestations ou son image peinte à la bombe sur la barrière de séparation de Cisjordanie – une initiative qui a fait que les artistes italiens ont été arrêtés – son image s’est trouvée partout.
Les autorités israéliennes sont inébranlables dans leur croyance qu’elles ont envoyé un important message en sévissant contre la jeune fille de Nabi Saleh, maintenant âgée de 17 ans, qui faisait partie d’un groupe de jeunes filles harcelant plusieurs soldats en Cisjordanie.
L’intention d’Israël de faire d’elle un exemple était évidente.
“Ceux qui font du tort à nos soldats de jour sont arrêtés de nuit,” a déclaré le Ministre de la Défense Avigdor Lieberman, après que Tamimi ait été emmenée de chez elle en pleine nuit en décembre dernier, quatre jours après que l’incident ait eu lieu et qu’elle ait fait sensation sur Internet.
L’unité de porte-parole des Forces de Défense d’Israël n’a pas manqué de distribuer aux médias le lendemain matin l’enregistrement de son arrestation. En agissant ainsi, elle a aidé à transformer Ahed Tamimi en symbole de la résistance.
Dimanche, au moment où Tamimi a été libérée, après avoir purgé sa peine de huit mois d’emprisonnement pour quatre chefs d’accusation d’attaque, elle est passée d’une star à l’image répandue sur Internet à une icône.
Couverte par le tapage autour de sa libération, sa détention a fait en fin de compte plus de dommage à l’image internationale d’Israël que la vidéo initiale de la gifle qu’elle a donnée à un soldat a jamais pu en faire.
Pendant son incarcération, Tamimi a été comparée à de courageuses héroïnes allant de Jeanne d’Arc et Anne Frank à Rosa Parks [1] et Hannah Szenes [2], et ses cheveux blonds ont même amené à une comparaison avec Bar Refaeli [3]. Elle a été défendue par des célébrités américaines telles que Sarah Silverman [4], Alice Walker [5], Danny Glover [6] et Rosario Dawson [7], et en Israël, de façon controversée, par le compositeur-interprète Yehonatan Geffen [8].
Une pancarte de manifestation aperçue à un rassemblement à l’extérieur de la Conférence Politique de l’AIPAC de cette année dans le District de Columbia proclamait qu’elle était « la VRAIE Wonder Woman. »
C’est le même type de publicité « contre son propre camp » qui a été reproduit cet été par les mesures fortement médiatisées pour empêcher les militants du BDS d’entrer en Israël, en transformant ainsi des inconnus en personnes très en vue.
La famille de Nabi Saleh
En ce qui concerne Tamimi, elle perpétue une tradition familiale – non seulement en résistant publiquement à l’occupation israélienne, mais aussi en faisant des mesures israéliennes des armes pour stimuler le soutien dans le monde à la cause palestinienne. (Les médias israéliens ont surnommé Ahed Tamimi “Shirley Temper” après qu’elle a été vue en 2012 en train de riposter à un soldat israélien et quand elle a été photographiée en 2015 en train de mordre un autre soldat qui essayait d’arrêter sa mère).
C’est en 2009 que son père, Bassem Tamimi, a commencé pour la première fois à rallier l’opinion internationale aux manifestations hebdomadaires du village qu’il a lancées, avec le but de “modeler un soulèvement populaire.”
Il a mobilisé les autres habitants de Nabi Saleh, à environ 20 kilomètres (12 milles) au Nord-Ouest de Ramallah, contre les colons qui cherchaient à prendre le contrôle de leur source d’eau et qui leur en refusaient l’accès. La manifestation s’est transformée en une manifestation générale contre l’extension de la colonie d’Halamish sur des terres appartenant au village.
Au cours des années, les affrontements entre les manifestants et l’armée israélienne ont donné lieu à de jets de pierre, de gaz lacrymogènes, de grenades et à des tirs à balles réelles, ce qui a entraîné des blessures et, parfois, des morts - y compris pour des membres du clan Tamimi.
Tout au long de l’enfance d’Ahed, son père a été arrêté une dizaine de fois sous diverses inculpations. A un moment donné, il a été détenu sans jugement (“détention administrative”) pendant plus d’un an.
L’incarcération de Bassem en 2011 pour avoir dirigé des manifestations de protestation non autorisées est devenue une cause célèbre mondialement, avec Amnesty International le qualifiant de “prisonnier d’opinion” et exigeant que Israël le libère.
Quand il a été libéré sous caution en avril 2012, deux semaines après que sa mère a subi un AVC, il a aussi été accueilli en héros lors de son retour à Nabi Saleh.
D’autres membres de la famille Tamimi ont aussi payé le prix fort. En 2011, le cousin de Bassem, Mustafa Tamimi, est mort quand il a été atteint au visage à bout portant par le tir d’une cartouche de gaz lacrymogène après avoir jeté des pierres sur des soldats. L’année suivante, le beau-frère de Bassem, Rushdi Tamimi, a été atteint dans le dos par un tir et a été tué, quand un groupe de Palestiniens à Nabi Saleh a commencé de loin à jeter des pierres vers la route. Une unité de réserve de l’armée les a dispersés par une grêle de 80 balles. Et à la fin de 2017, avant l’arrestation d’Ahed, son cousin, Mohammad Tamimi, a été atteint à la tête par le tir d’une balle à embout en caoutchouc.
Mohammed Tamimi, âgé de 15 ans, de Nabi Saleh
Des provocateurs professionnels
Les détracteurs de l’image donnée de la famille, comme étant le symbole de la résistance courageuse et non-violente, montrent du doigt non seulement les jets de pierre, mais aussi le fait qu’il y a parmi leurs proches des participants à des activités terroristes. Ils mettent aussi l’accent sur les messages sur les médias sociaux et les déclarations faites par les Tamimi qui peuvent être interprétés comme une célébration de la violence contres les Israéliens et comme un appel à la « suppression » de l’état juif.
Le Vice-Ministre Michael Oren [9] a été si agacé par la propagation de ce phénomène de Relations Publiques qu’il a dans un tweet lancé l’accusation que les Tamimi « peuvent ne pas être une vraie famille » et qu’ils « déguisent des gosses avec des vêtements américains et les payent pour provoquer les troupes des FDI en étant filmés. Cette utilisation cynique et cruelle d’enfants constitue une maltraitance. Les organisations de défense des droits de l’homme doivent faire une enquête ! »
Les Tamimi ont ridiculisé l’affirmation.
The Tamimi family—which may not be a real family—dresses up kids in American clothes and pays them to provoke IDF troops on camera. This cynical and cruel use of children constitutes abuse. Human rights organizations must investigate !
https://t.co/Pm5nXhcbo0 via @wallanews— Michael Oren (@DrMichaelOren) 19 décembre 2017
Michael Oren au sujet des Tamimi
Ahed Tamimi a voyagé à l’étranger pour représenter la cause palestinienne avant de se trouver dans une prison israélienne. Mais les 18 mois derniers ont accru sa visibilité à un tout autre niveau.
En fin de compte, son arrestation, son jugement et sa condamnation avaient deux objectifs sous-jacents. Le premier, ainsi que l’a écrit Anshel Pfeffer de Haaretz après qu’elle a été d’abord arrêtée, était de faire face au problème politique national du gouvernement Netanyahou : sauver la fierté de l’armée israélienne face à un soldat laissant Ahed Tamimi et d’autres jeunes femmes le frapper sans riposter. “Une jeune fille palestinienne giflant un officier des FDI était une insulte nationale qui ne pouvait être soulagée que par des images d’elle emmenée de son foyer par des officiers féminins de la Police des Frontières en tenue complète de protection corporelle,” a écrit Pfeffer.
Le second – ainsi que de nombreux responsables israéliens, menés par le Ministre de la Défense Lieberman, l’ont soutenu – était de dissuader les jeunes Palestiniens, qui pourraient envisager de suivre ses traces, en leur montrant que la résistance collective s’accompagne d’un lourd tribut.
Mais compte tenu de l’objectif d’Israël de gagner la guerre des relations publiques (hasbara), le jeu du gouvernement en rehaussant la situation d’une célébrité locale à celle de symbole international de la cause palestinienne était une démarche qui était vouée à avoir l’effet inverse de celui prévu.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers