Le préfet de Meurthe-et-Moselle veut empêcher la liberté d’expression des communes sur la Palestine.
Le lundi 17 décembre, devant le tribunal administratif de Nancy, le préfet de Meurthe-et-Moselle poursuivait le maire de Vandœuvre pour une délibération de son conseil municipal rendant hommage à Marwan Barghouti et le maire de Villerupt pour avoir fait de ce résistant palestinien un citoyen d’honneur de sa ville.
Le groupe local de l’AFPS de Lorraine Sud avait appelé à un rassemblement de soutien aux deux maires. Ce sont une cinquantaine de personnes qui se sont retrouvées à 8h45 devant le tribunal. Elles auraient pu être plus nombreuses sans un dysfonctionnement du tribunal : l’avocate du maire de Villerupt a indiqué avoir reçu un courrier l’informant du renvoi de l’audience sans précision de date et c’est en venant au tribunal lundi matin qu’elle a appris que l’audience concernant le maire de Villerupt se tenait conjointement avec celle concernant le maire de Vandœuvre. Le maire de Villerupt qui avait manifesté son intention d’être présent à l’audience n’était donc pas là et le groupe local AFPS de Villerupt non plus.
L’AFPS nationale avait déposé un mémoire auprès du tribunal en intervention volontaire et était représentée au procès par son avocat, Maître Tourniquet. Pour plaider la cause des maires, il y avait avec lui deux avocates, Maître Jeannot pour Villerupt et Maître Tadic pour Vandœuvre.
La rapporteur publique a plaidé l’annulation des deux délibérations au motif principal qu’elles seraient dénuées d’intérêt public local. Elle a ajouté que celles-ci méconnaissaient la neutralité du service public. Elle a fait appel à la jurisprudence de la cour d’appel du tribunal administratif de Versailles concernant la municipalité d’Aubervilliers dans une affaire semblable. A propos de Villerupt, elle a indiqué en plus que la décision de faire Marwan Barghouti citoyen d’honneur empiétait sur les compétences de l’État. Par ailleurs, il se trouve que la décision de Villerupt avait été prise alors qu’était en place un autre préfet qui n’avait rien trouver à redire à cette décision. Pour justifier le fait que le préfet actuel soit revenu sur la position de son prédécesseur, la rapporteure a donné comme argument le fait que la délibération était un « acte inexistant » (sans conséquence pratique).
Maïtre Tadic a plaidé le fait que la délibération de Vandœuvre portait sur une motion exprimant une opinion politique, donc qu’elle ne pouvait pas être déférée devant le tribunal administratif. Cette motion était conforme à la politique étrangère de la France. Elle présentait en outre un intérêt local pour Vandœuvre, qui compte 79 nationalités dont des Palestiniens. Les habitants se sentent concernés. Enfin, il y a deux poids deux mesures. Quand une municipalité adopte l’opinion politique du préfet, représentant de l’État, il ne dit rien et quand ce n’est pas le cas, il poursuit en justice. Pour illustrer son propos, elle a cité l’exemple de Gilad Shalit, fait citoyen d’honneur de la ville de Paris.
Maître Tourniquet a donné un autre exemple de ce deux poids deux mesures. Chaque année, la mairie de Nancy hisse le drapeau tibétain au fronton de l’hôtel de ville pour rendre hommage à la révolte des Tibétains en 1959 contre le gouvernement chinois. Le préfet n’y a rien trouvé à redire alors que cette position n’est pas conforme à celle du gouvernement français. Maître Tourniquet a longuement cité des déclarations de personnalités françaises, notamment gouvernementales, présentant Marwan Barghouti comme incontournable pour aboutir à la paix entre Israéliens et Palestiniens. Il a même cité un ex-directeur du Mossad disant qu’il faut discuter avec Marwan Barghouti.
Maître Jeannot a ajouté d’autres déclarations de personnalités montrant que Marwan Barghouti pouvait avoir un rôle important pour la paix dans la région. Elle a insisté aussi sur le deux poids, deux mesures de l’État en la matière. Elle a rappelé aussi que le ministère des affaires étrangères poussait les collectivités locales à s’investir dans la politique étrangère de la France à travers la coopération décentralisée, pour peu que ce ne soit pas en contradiction avec la position du gouvernement. Or, les municipalités de Vandœuvre et de Villerupt, dans leurs délibérations, sont dans le droit fil de cette politique. Elle a terminé en invoquant l’article 10 de la convention européenne des droits et la liberté d’expression.
Le jugement sera rendu dans un délai de trois semaines. La presse régionale a bien rendu compte de l’audience et de la mobilisation de l’AFPS.
>> Voir le journal du 19/20 de France 3 Lorraine du lundi 17 décembre (à partir de la 12eme minute)