Le président palestinien Mahmoud Abbas prononce mardi une rare allocution devant le Conseil de sécurité pour appeler à une reconnaissance de la Palestine comme Etat membre de l’ONU et rejeter une médiation unique des Etats-Unis dans le processus de paix.
Son « face à face » avec l’ambassadrice américaine Nikki Haley sera « intéressant », notent des diplomates.
Fin janvier, cette dernière avait accusé Mahmoud Abbas de manquer de courage : « Nous n’allons pas courir après une gouvernance palestinienne qui n’a pas ce qu’il faut pour parvenir à la paix ».
« Pour obtenir des résultats historiques, nous avons besoin de dirigeants courageux », avait-elle ajouté.
Le président palestinien, qui est déjà intervenu au Conseil de sécurité en 2008 et 2009, « devrait être sur un mode combatif mais modéré », estiment des diplomates.
Il mentionnera « sans doute » son souhait d’une reconnaissance de la Palestine à l’ONU. Mais il devrait surtout réclamer « une démarche collective du Conseil de sécurité ».
Selon des responsables palestiniens, Mahmoud Abbas va appeler à des négociations avec Israël dans un cadre élargi et pas sous l’égide principale des Etats-Unis. Et dénoncer à nouveau la décision américaine de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël.
« Nous pourrons accepter différents formats » pour ces négociations, a affirmé Nasser al-Qudwa, l’un de ces responsables. Elles pourraient avoir lieu sous l’égide du groupe dit des P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité : Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), ou bien du P5+1 (les mêmes, plus l’Allemagne), ou bien un « Quartette élargi », ou encore une conférence internationale de paix », a-t-il détaillé.
Ire américaine
La Palestine est depuis 2012 « Etat observateur non membre » de l’ONU, ce qui lui a permis d’intégrer des agences onusiennes et de rejoindre la Cour pénale internationale (CPI). Mais elle n’est toujours pas un membre à part entière de l’ONU, même si elle est reconnue par plus de 130 pays.
Un statut de membre passe par une recommandation du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale de l’ONU, sans veto des Etats-Unis, premier soutien d’Israël.
M. Abbas refuse tout contact direct avec l’administration américaine depuis la reconnaissance par le président Donald Trump fin 2017 de Jérusalem comme capitale d’Israël, qui a discrédité, pour les Palestiniens, le rôle de médiateur principal des Etats-Unis.
En décembre, les Palestiniens ont bénéficié de l’unanimité du Conseil de sécurité moins une voix —un veto de Washington— pour condamner cette décision. Cette condamnation a ensuite été approuvée majoritairement par l’Assemblée générale de l’ONU, suscitant l’ire de Washington et de Nikki Haley.
Mardi, l’ambassadeur israélien à l’ONU Danny Danon doit répondre au président palestinien devant le Conseil de sécurité, en présence du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui a prévu un entretien bilatéral avec Mahmoud Abbas.
Israël rejette tout cadre multilatéral pour le processus de paix, décriant l’ONU comme l’Union européenne.
Limbes
Le président palestinien a déjà exhorté les Européens à reconnaître la Palestine le 22 janvier à Bruxelles et fait de même avec le président russe Vladimir Poutine à Moscou le 12 février.
« C’est bien joué de sa part. Le simple fait qu’il vienne s’exprimer devant le Conseil de sécurité est une formidable forme de reconnaissance et de démenti à la stigmatisation américaine », note un diplomate.
Le processus de paix au Proche-Orient est depuis plusieurs années dans l’impasse.
L’administration Trump a indiqué travailler sur un plan de paix mais ce dernier semble toujours dans les limbes, selon des diplomates. « Ils sont en pleine discussion interne », selon un diplomate, qui doute que Washington sache déjà où en venir.
Début février, M. Guterres a mis en garde contre la création d’une « réalité irréversible à un Etat » au lieu de la solution préconisée jusqu’à présent de deux Etats vivant côte à côte, Israël et la Palestine, en dénonçant la poursuite de la colonisation « en Cisjordanie, y compris à Jérusalem Est ».
« Il s’agit d’un obstacle majeur à la paix, qui doit cesser avec un retour en arrière », a-t-il asséné.
Sur fond de dissensions interpalestiniennes Fatah-Hamas et de réduction d’aide financière américaine à des programmes de l’ONU destinés aux Palestiniens, le conflit au Proche-Orient doit de nouveau être abordé jeudi à New York, lors d’une réunion informelle.
L’ex-président américain démocrate Jimmy Carter, initiateur à la fin des années 1970 d’un traité de paix historique entre Israël et l’Egypte, a été invité mais sa santé pourrait l’empêcher d’être présent.