Préambule
La terminologie " réforme" ou "bonne gouvernance" est au centre de nombreux débats et forums conduits par diverses élites intellectuelles, politiques, socio-économiques et des secteurs du développement de la scène palestinienne. Bien que les appels à la réforme soient sincèrement d’essence palestinienne, il est évident que les initiateurs principaux de ces débats et de l’attention qu’on leur porte, sont soumis à des pressions externes, certainement d’origine etats-unienne, afin de répondre avant tout aux exigences et aux intérêts extérieurs.
Des appels à la réforme ont été faits de manière continuelle par les Palestiniens depuis de nombreuses années. Cependant l’essence des réformes que nous allons exposer dans cette courte contribution n’a rien à voir et n’aura jamais rien à voir avec les intérêts nationaux des Palestiniens et leur souhait de voir se développer la démocratie, la pluralité politique et la diversité socio-culturelle. D’une certaine façon, les réformes qui vont être évoquées ici résultent d’un agenda politique externe dans l’objectif de restructurer la région et de construire le Grand Moyen Orient, ceci afin de servir uniquement les intérêts de la stratégie américaine en se servant du modèle irakien.
Nous souhaitons révéler ici les impacts de ces réformes encouragées par l’administration américaine qui intervient dans la définition des pré-requis de la programmation palestinienne afin d’assurer un financement futur et un soutien politique à l’Autorité Palestinienne.
Ramifications des réformes d’essence étrangères
Les tendances officielles sur les aspects socio-économiques et le développement, qui sont révélées par les indicateurs du budget de l’AP pour l’année 2005, reflètent une augmentation continue des dépenses de l’AP et une multiplication des structures. Ceci contribue à créer une nouvelle classe sociale qui vit aux dépends des autres classes. Par conséquent, l’écart entre les classes va s’élargir et les véritables intérêts des classes de base seront complètement ignorés. De plus, les dépenses gouvernementales, qui sont financées sur des fonds étrangers et extérieurs, des prêts et des aides, deviennent le cœur de l’économie nationale palestinienne. Ces indicateurs prouvent que la programmation des réformes au bénéfice de l’étranger est au centre des termes de référence pour les réformes souhaitées à la fois par l’AP et les responsables de certaines ONGs.
En fait, cette programmation des réformes imposée de l’extérieur constitue la feuille de route pour beaucoup d’élites emblématiques (icon elites) de l’AP. Ces dernières partagent la vision, les objectifs et les stratégies d’une telle programmation. Ce qui vient d’être décrit permet d’arriver aux résultats suivants :
la sécurité unilatérale de l’Etat d’Israël
la lutte contre ce qui est appelé le "terrorisme" palestinien
le renforcement des pouvoirs d’Israël afin qu’il soit l’élément de dissuasion et la force pour la protection des valeurs et des bases du néo-libéralisme et de la globalisation dans le région.
la soumission de l’économie palestinienne à des entreprises multinationales et leurs agences représentatives en Israël
le transfert des méthodes de corruption entre les responsables de l’ancienne génération et ceux de la nouvelle génération, afin de reproduire un modèle plus moderne de corruption au sein de la société palestinienne ;
la mise en œuvre de réformes absurdes qui ne s’en prendront pas aux racines de la corruption et à leurs effets sur la société palestinienne et son projet national.
l’érosion et la réduction du rôle de l’AP et de sa capacité à contrôler son espace souverain.
Implications pour le secteur agricole et le développement rural
La poursuite de la politique coloniale et expansionniste de l’Etat d’Israël contre les territoires palestiniens, du fait de la construction du Mur de l’Apartheid, est inscrite dans les conséquences de cette programmation de réformes d’essence étrangère. Le Mur constitue la stratégie le plus agressive à ce titre. Les conséquences attendues de ces réformes sur le secteur agricole palestinien sont présentées ci-dessous :
destruction de la force de travail pour ceux qui ont perdu leurs biens agricoles et sa transformation en une force de travail bon marché et précaire ; ce qui revient en d’autres mots en la transformation des agriculteurs en "esclaves" du 21ème siècle qui travailleront dans des zones "esclavagistes" à l’ouest du Mur.
la poursuite de la corruption et le transfert des intérêts et des relations de pouvoir entre les élites fortunées.
l’exclusion continuelle et la soumission des zones rurales aux structures consommatrices et aux réseaux qui sont concentrés dans les principales villes palestiniennes.
la destruction de l’héritage culturel reposant sur les valeurs et principes du monde rural et l’imposition d’une culture "surnaturelle" de consommation
le développement de l’exode rural vers les villes situées au centre de la Cisjordanie
la transformation des zones rurales et du secteur agricole palestinien en d’immenses décharges, ainsi que la transformation du capital humain des zones agricoles en " des réserves humaines naturelles"
la séparation entre le secteur agricole et le secteur public, ce qui résultera en la privatisation des services agricoles et des processus, ce qui privera d’accès à ces services les classes faibles et vulnérables.
l’augmentation de la dépendance du secteur commercial des biens et services importés de l’étranger en même temps que le secteur industriel continuera à souffrir d’importantes faiblesses.
Le type de réformes dont nous avons besoin
Les changements sociaux et les réformes sont les deux ailes de l’effort palestinien pour l’indépendance et la démocratie. Ils sont essentiels et constituent une demande essentielle de la part de tous les Palestiniens. Ils doivent matérialiser les éléments qui constituent la capacité de résistance des Palestiniens, leur lutte pour la libération nationale et la démocratisation. De vrais réformes et changements peuvent être obtenus de la manière suivante :
par la définition d’outils par la base et non d’instruments produits par les élites dont l’existence dépend de l’aide et du soutien étranger
en plaçant les intérêts des Palestiniens en priorité n°1, ceci afin de servir les intérêts de la base et des secteurs de l’économie qui sont productifs.
en rationalisant le secteur des services afin qu’ils puissent satisfaire les besoins principaux des secteurs économiques productifs.
en réduisant les forces de sécurité et les dépenses du gouvernement dans le sens de satisfaire les besoins de sécurité des citoyens palestiniens.
en adoptant et en mettant en œuvre des politiques de soutien en faveur des secteurs productifs, plus particulièrement le secteur agricole afin de permettre d’atteindre la sécurité alimentaire au niveau national.
en combattant les structures et l’attitude des élites palestiniennes qui sont impliquées profondément dans la corruption financière et administrative et en prenant des mesures empêchant le développement de la corruption sur la scène palestinienne.