Sous l’impulsion de l’ambassadrice américaine sortante, Nikki Haley, l’Assemblée générale de l’ONU est appelée jeudi à voter une résolution condamnant les tirs de roquettes vers Israël du mouvement islamiste palestinien Hamas, sans garantie qu’une majorité suffisante permettra son adoption.
Si le texte est approuvé, il s’agira de la première condamnation par l’ONU du Hamas, une organisation qui dirige la bande de Gaza depuis 2007. Pour son projet, la diplomate américaine a obtenu, après un léger ajout de langage, un rare soutien unanime de l’Union européenne.
Mais des manoeuvres pourraient toutefois enrayer l’un des derniers faits d’armes à l’ONU de Nikki Haley, qui a récemment annoncé quitter ses fonctions en fin d’année.
Avec, au final, une situation sans véritable vainqueur, voire même "perdant-perdant" pour tout le monde, selon les termes d’un spécialiste du dossier s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Selon des diplomates, Nikki Haley, soutien inconditionnel d’Israël, semble avoir fait de cette condamnation du Hamas "une affaire très personnelle". "Elle veut partir (de l’ONU) avec quelque chose", estime l’un d’eux.
"Personne à Washington ne lui demandait d’adopter une résolution sur le sujet", ajoute un autre diplomate. "Le consensus actuel (là-bas) est plutôt de considérer que les Nations unies ne servent à rien et que ce n’est pas une condamnation de l’Assemblée générale qui va résoudre le problème".
Son projet "condamne le Hamas pour des tirs répétés de roquettes en Israël et pour incitation à la violence, mettant la vie de civils en danger". Il "exige que le Hamas et d’autres entités militantes incluant le Jihad islamique palestinien cessent toutes les provocations et activités violentes dont le recours à des engins aériens incendiaires".
"Bazar"
Lors des négociations, l’Union européenne, qui réclamait le rappel des paramètres de paix (solution à deux Etats, frontières de 1967, Jérusalem...), n’a pu obtenir que l’ajout dans le texte d’une vague mention espérant une solution s’appuyant sur "les résolutions pertinentes de l’ONU", mais sans préciser lesquelles.
Alors que les Palestiniens entendaient mardi amender le texte américain pour détailler ces résolutions —en incluant notamment celles sur la fin de l’occupation israélienne, le statut de Jérusalem-Est ou la solution de deux Etats dans les frontières reconnues en 1967—, les Européens ont réussi mercredi à les convaincre de transformer leur amendement en résolution séparée, selon des diplomates.
"L’amendement a été transformé en résolution qui sera présentée (à partir de 20H00 GMT) par l’Irlande au nom de l’Union européenne avant le vote du texte américain", a indiqué à l’AFP un diplomate sous couvert d’anonymat. Elle devrait être très probablement adoptée à la majorité simple.
Vouloir l’adoption d’un amendement au texte américain pour ensuite faire échouer ce dernier lors du vote était une stratégie "un peu tortueuse", note un autre diplomate.
Pour le texte américain, les Palestiniens ou l’un de leurs soutiens arabes (le Koweït en l’occurrence) "demanderont que le vote s’effectue sous la règle d’une majorité des deux tiers des pays participant au vote", précise à l’AFP un diplomate.
Cette règle des deux tiers peut supplanter celle de la majorité simple lorsque le sujet est jugé "important".
Plusieurs diplomates estiment que cette règle empêchera les Etats-Unis de voir approuver leur texte de condamnation du Hamas. Au final, ce serait donc un échec pour Washington, même si les Etats-Unis pourraient toujours "crier victoire" si une majorité de pays a soutenu leur texte, indique une source diplomatique.
"Sur le fond, tout cela est très peu lisible", déplore le spécialiste du dossier en parlant de "bazar".
Du côté du Hamas, son chef, Ismail Haniya, s’est plaint dès le 28 novembre de la démarche américaine dans une lettre rare à la présidence de l’Assemblée générale de l’ONU. La missive, remise au représentant de l’ONU à Gaza, n’est cependant jamais arrivée à destination. Elle a été transmise au seul pouvoir légitime reconnu par l’ONU, à savoir l’Autorité palestinienne, qui l’a toujours en mains, selon une source onusienne.