L’Unesco a inscrit vendredi la Basilique de la Nativité de Bethléem, située dans les Territoires palestiniens, au Patrimoine mondial, par une procédure d’urgence qui a suscité une vive protestation d’Israël. Le vote s’est déroulé lors d’une session de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture à Saint-Pétersbourg, en Russie.
L’inscription du site du « lieu de naissance de Jésus », qui comprend également la route de pèlerinage, a recueilli 13 voix pour, 6 contre et 2 abstentions, lors d’un vote des 21 membres du Comité du patrimoine. Il s’agit du premier site palestinien inscrit sur la liste du Patrimoine mondial. La présidence palestinienne a salué comme « une victoire de la justice » l’inscription du site : « Cette reconnaissance par le monde des droits du peuple palestinien est une victoire pour notre cause et la justice », a déclaré Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas.
Entrés à l’Unesco en octobre 2011, les Palestiniens avaient alors fait la demande d’une inscription du site dans une procédure d’« urgence ». Au-delà de la valeur des sites, « menacés de destruction totale par l’occupation israélienne, la construction du mur de séparation, et à cause des sanctions israéliennes et des mesures prises pour opprimer l’identité palestinienne », selon les Palestiniens, il s’agit pour eux d’un « nouvel acte de souveraineté ». Entretien avec l’ambassadeur de la Palestine à l’Unesco, Elias Sanbar.
En quoi l’inscription de Bethléem au patrimoine mondial de l’Unesco constitue-t-elle une « victoire » pour les Palestiniens ?
C’est tout d’abord la première fois dans l’histoire que la Palestine inscrit elle-même l’un de ses sites, de sa propre initiative. La seconde chose, c’est qu’il s’agit d’un site vénéré par deux milliards d’êtres humains. C’est un lieu emblématique célébré tous les ans à Noël. Bethléem abrite la première église de la chrétienté, non pas officielle, mais visible, quand le christianisme n’était pas encore une religion d’État, et que ses fidèles étaient persécutés. C’est enfin un lieu où l’on retrouve des strates de toutes les époques, depuis le IIe siècle, avec la chapelle, mais aussi la basilique actuelle, qui contient des vestiges byzantins superbes, des fresques qui datent des croisades et des Templiers. C’est un haut lieu de pèlerinage depuis près de dix-huit siècles.
Il y a une troisième dimension, qui a dû beaucoup peser dans la virulence des réactions que nous avons dû affronter. Il s’agit de l’exercice de la souveraineté du peuple palestinien. Car, seul un pouvoir souverain sur un espace et un territoire peut inscrire des sites à l’Unesco. Cet acte de souveraineté a donc été pour beaucoup dans l’intensité de l’opposition que nous avons rencontrée, notamment de la part des Israéliens. Cet enjeu de la souveraineté n’est pas le plus visible ici, mais il est fondamental.
Le délégué israélien à l’Unesco évoque, lui, « une atteinte grave à la convention » du Patrimoine mondial…
Quand il leur faut avaler une couleuvre, les Israéliens emploient souvent ce type d’argument. C’est d’autant plus incroyable de la part d’une patrie qui, en occupant les terres d’un peuple, ne respecte elle-même aucune règle. De notre côté, nous avons respecté toutes les procédures, et nous avons simplement agi en tant que membre de plein droit de l’Unesco.
Vous évoquiez la question de la souveraineté. En quoi cette démarche à l’Unesco s’inscrit-elle dans celle en cours à l’ONU, et qui vise, à terme, à l’obtention du statut d’État non-membre en cas d’échec des négociations avec Israël ?
Les deux démarches sont déconnectées, il n’y a pas de rapport mécanique entre les deux. Ceci dit, il est incontestable que des actes souverains de ce type favorisent l’émergence de l’entité pays. Plus la Palestine exercera des actes souverains comme celui-là, plus elle rendra concrète cette même souveraineté.