Au total, 900 000 personnes sont concernées par ce nouveau site, soit presque la moitié de la population. La France a en grande partie permis cette avancée, qui a eu lieu malgré les contraintes du blocus israélien et les querelles politiques inter-palestiniennes. Nous sommes allés sur place.
En revenant ce matin-là sur le site de la décharge de Foukhari au sud de Gaza, Adham Al Najjar, contemple son ancienne vie. Quand la décharge a fermé, il était l’un des 17 chiffonniers. Il a profité d’un programme de reconversion piloté par l’ONU, et est devenu commerçant. Depuis un peu plus de deux ans, il vend du fourrage. C’est la première fois qu’il revient sur le site, il incarne la prise en compte à l’échelle humaine de cet énorme chantier.
"J’ai travaillé pendant presque 17 ans sur cette décharge", raconte-t-il. "Je récupérais la ferraille, le plomb, le plastique... Tout ce qui était récupérable. Je suis content de revenir. Ça fait longtemps que je le voulais, mais c’était interdit. Ça me rend heureux de voir cela. Vous savez, parfois, ça me manque, cet endroit. Ça a bien changé par rapport à l’époque où j’étais là."
Autour du jeune homme, on voit le relief de l’ancienne décharge et un énorme cratère qui devient ce lundi le centre d’enfouissement. Grand comme 12 terrains de football, profond par endroits de 20 m, il est totalement hermétique et va recevoir les déchets de presque la moitié de la bande de Gaza.
- Le cratère qui devient ce lundi le site d’enfouissement des déchets de la bande de Gaza © Radio France / Etienne Monin
C’est un bond en avant, pour Ali Bahroum, qui pilote la structure intercommunale en charge du traitement des déchets. "La situation a complètement changé. On a des infrastructures, et c’est prêt. On a le site d’enfouissement. On a le transport. On a des routes d’accès en bonnes conditions. Ça veut dire que le service ne peut pas être plus efficace et rentable."
Une nécessité environnementale des deux côtés de la frontière
À Gaza, dans les villes, ce sont des carrioles tirées par des ânes qui ramassent les sacs déposées aux pieds des maisons. Aujourd’hui, les décharges sont saturées. C’est une menace importante pour l’environnement.
Ahmed Illis, de l’Institut national pour l’environnement et le développement à Gaza, raconte cette situation potentiellement désastreuse : "Ces écoulements qui ne sont pas traités s’échappent de la décharge, parce que les déchets débordent des sites. Ça va directement dans le sol, qui est une zone agricole. Cela pollue le sol, et cela va directement dans la nappe phréatique, ce qui augmente la contamination ou la pollution."
Le projet a été amorcé il y a sept ans. Il a dû passer une série d’obstacles. Gaza est en effet un lieu clos, soumis à de multiples contraintes liées au blocus israélien, explique Nicolas Gury, numéro 2 de l’Agence française de développement à Jérusalem, principal financeur du projet avec la banque mondiale :
"D’abord il a fallu attendre le permis israélien pour construire cette infrastructure ; il est arrivé en 2012. Soit dit en passant, ce projet tient à cœur côté israélien, puisque les nuisances concernent aussi l’autre côté de la frontière."
Il poursuit : "Ensuite il a fallu faire un design du projet qui puisse correspondre aux exigences des autorités israéliennes. Elles ne voulaient pas que l’édifice de déchet dépasse les vingt mètres. Du coup, il a fallu creuser un trou énorme de plus de 1,5 million de mètres cubes pour pouvoir permettre aux populations de Gaza de stocker leur déchets pendant une dizaine d’années."
Dynamiser économiquement la bande de Gaza
Le modèle économique repose sur le soutien international mais aussi une participation financière renforcée des populations. Le secteur des déchets est actuellement déficitaire.
Nouredine Al Madhoun, qui dirige le projet, s’attend à un effet vertueux : "Quand vous avez une infrastructure de qualité qui est créée, cela témoigne d’un service public de qualité, d’une préoccupation pour la santé, et ça contribue à l’économie. C’est un vrai besoin dans un secteur comme Gaza qui est sous, disons, des restrictions à cause de la crise politique qui existe depuis beaucoup d’années."
Ce projet a aussi permis de dynamiser la structure intercommunale à Gaza qui gère les déchets depuis les accords d’Oslo. Pour une fois, les guerres politiques locales n’ont pas miné le terrain, explique Ahmed Illis, de l’Institut national pour l’environnement et le développement à Gaza :
"On a réussi à finaliser un projet lourd, on a résolu un problème urgent dans ce secteur, en évitant le conflit habituel entre le Hamas le Fatah, l’Autorité palestinienne. Et j’espère qu’on va réussir à poursuivre le développement de Gaza en restant à l’écart de ces conflits politiques qui rendent notre vie très compliquée."
Le projet a coûté autour de 20 millions d’euros. Il est aux normes internationales et financé pour moitié par l’Agence française de développement. Il comprend aussi un programme d’éducation.