- Mahmoud Zahar en janvier 2012 dans sa maison de Gaza - Ibraheem Abu Mustafa/Reuters
Le gouvernement du Hamas est aux abois, politiquement et financièrement. Sur le plan militaire, il est difficile d’évaluer la gravité de la situation, même si tout porte à croire que le blocus draconien que lui impose Le Caire – qui s’ajoute à celui maintenu par Israël – a porté un rude coup à ses canaux habituels de ravitaillement en armes et en munitions, qui passaient par les tunnels creusés sous le corridor de Philadelphie, cette frontière entre l’enclave palestinienne et l’Egypte.
L’armée égyptienne a systématiquement détruit ces passages souterrains. Même s’il est probable que le Mouvement de la résistance islamique en a conservé quelques-uns opérationnels, il n’est pas sûr que les armes et les munitions transportées par le cargo Klos-C, arraisonné le 5 mars par la marine israélienne, auraient pu passer au travers des mailles du filet tendu par les militaires égyptiens dans le Sinaï.
A en croire le ministre israélien de la défense, Moshe Yaalon, cette cargaison en provenance d’Iran, semble-t-il, était destinée au Jihad islamique plutôt qu’au Hamas, signe que les relations entre ce mouvement et Téhéran restent marquées par le net refroidissement constaté en 2013. Un des dirigeants du Hamas, Mahmoud Zahar, assure cependant que les différends politiques sont en passe d’être aplanis et que si l’aide financière de l’Iran s’était considérablement réduite, c’était à la suite d’un « problème technique ». Les transferts bancaires avec les banques de Gaza étant impossibles, l’argent devait nécessairement passer, en liquide, par les tunnels.
« AUCUNE LOGIQUE, AUCUNE JUSTIFICATION MORALE »
Dans sa maison étroitement protégée par les combattants des Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Hamas, Mahmoud Zahar ne cache pas que « la situation est devenue plus tendue et difficile » depuis que le gouvernement égyptien du maréchal Al-Sissi s’évertue à isoler le Hamas, aggravant en cela la situation économique déjà précaire des 1,7 million de Gazaouis.
M. Zahar réfute en bloc les accusations du Caire, notamment celle d’une ingérence dans les affaires intérieures égyptiennes, qui passerait par un soutien militaire aux groupes de bédouins salafistes du Sinaï : « Nous aussi avons eu des problèmes avec les salafistes de Gaza, cela n’aurait aucun sens que nous fournissions des armes à ceux qui sont en Egypte, et celle-ci n’a produit aucune preuve ! », insiste-t-il.
Bête noire des Israéliens, Mahmoud Zahar est le plus politique, et aussi le plus extrémiste, des dirigeants du Hamas. Son influence sur les groupes armés de Gaza, et notamment sur les Brigades Ezzedine Al-Qassam, l’emporte nettement sur celle du premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh. M. Zahar ne voit « aucune logique, aucune justification morale » à l’attitude de l’Egypte, si ce n’est la volonté de ses dirigeants « de convaincre les Occidentaux qu’ils combattent le terrorisme ». « Leur seule explication, poursuit-il, c’est de dire “nous allons écraser le Hamas”, parce que c’est un régime islamique, parce que l’islam n’est pas accepté par les Occidentaux, l’islam est terroriste, c’est Satan ! Donc ce n’est pas une lutte contre le Hamas, mais contre l’islam ! »
CONSTAT PESSIMISTE
Cette politique, qui vise selon lui à provoquer la chute du gouvernement de Gaza, résulte d’une collaboration de fait entre Israël, « certains cercles » militaires en Égypte, le Fatah (principal parti de l’Autorité palestinienne), et surtout son ancien chef de la sécurité préventive dans la bande de Gaza, Mohammed Dahlane, le principal opposant de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne.
Son constat pessimiste sur les chances d’un accord de réconciliation interpalestinienne est plus crédible. Il le formule en posant trois questions, dont la réponse implicite est, pour lui, négative : « Est-ce que l’Amérique veut la réconciliation palestinienne ? Est-ce qu’Israël est prêt à l’accepter ? Est-ce que Abou Mazen a les moyens de l’imposer aux Américains et à Israël ? »
Mahmoud Zahar n’a aucune illusion sur l’issue des négociations de paix israélo-palestiniennes ni sur l’étape suivante : « En cas d’échec, les Palestiniens n’auront d’autre choix que la lutte armée, parce qu’il n’y a pas d’alternative : ce n’est pas l’ONU qui va nous donner un Etat. »
« DE GAULLE ÉTAIT-IL UN TERRORISTE ? »
Affaibli et isolé, le Hamas gère avec précaution sa relation de voisinage avec Israël. Il s’efforce de maintenir l’accord de cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre de novembre 2012, sans être complètement capable d’empêcher certains groupes extrémistes de Gaza, comme le Jihad islamique, de lancer des roquettes de temps à autre sur le sud d’Israël. Ces dernières semaines, des centaines de jeunes Gazaouis, qui se revendiquent du mouvement informel des « Jeunes de l’Intifada », se sont approchés à plusieurs reprises de la barrière de sécurité. Des dizaines d’entre eux ont été blessés par les tirs israéliens.
Mahmoud Zahar assure que l’accord de cessez-le-feu prévoyait de laisser les Gazaouis cultiver leurs terres près de la frontière. « Nous n’allons pas les empêcher de s’y rendre, parce que c’est leur terre, elle leur appartient. L’accord de cessez-le-feu n’a pas fait de nous les gardes-frontières d’Israël. »
Mahmoud Zahar montre alors l’endroit où son fils a été tué par un bombardement israélien, en 2002, au début de la seconde Intifada. Et il lance cette dernière diatribe : « Votre problème, à l’Ouest, c’est que vous ne savez pas faire la différence entre des combattants pour la liberté et des terroristes. De Gaulle était-il un terroriste ? Quelle est la différence entre les Français pendant l’Occupation, et les Palestiniens sous occupation israélienne ? La vérité est que vous n’avez pas de moralité ! »