Le travailleur humanitaire palestinien Mohammed Halabi a été amené 119 fois devant le tribunal israélien pendant les trois années de sa détention. Halabi, directeur à Gaza de World Vision [1], a été arrêté par les forces d’occupation israéliennes le 15 juin 2016. Après avoir été détenu au secret pendant près de deux mois, il a été ensuite l’objet d’une importante campagne internationale de propagande, en grande partie dirigée par Gilad Erdan, en août de cette année-là. Erdan est un membre du gouvernement de Netanyahu à la fois en tant que Ministre de la Sécurité publique et Ministre des Affaires stratégiques, chargé de diriger les campagnes mondiales de provocation contre les organisations qui défendent les droits des Palestiniens.
Benyamin Netanyahu lui-même a élaboré une vidéo accusant les Palestiniens de ne pas se soucier de leur peuple en se fondant sur des allégations selon lesquelles Halabi a détourné 43 millions de $ (38 millions d’€) de fonds destinés au travail humanitaire à Gaza pour au lieu de cela soutenir la résistance palestinienne. Ce chiffre excédait largement tout montant raisonnable du budget de World Vision ; sur sept ans, le budget total de World Vision à Gaza n’a pas dépassé 22 millions de $.
Malgré l’inanité concrète des affirmations de l’état israélien, les deux gouvernements australiens et allemands ont cependant dans un premier temps suspendu leur subvention à l’association caritative chrétienne mondiale. Plus de 100 travailleurs à Gaza ont perdu leur emploi dans le contexte d’un problème déjà énorme de chômage dans la bande de Gaza assiégée. Conformément à ses attaques officielles continues contre les organisations palestiniennes ou internationales qui apportent quelque soutien aux droits des Palestiniens, Erdan a même accusé World Vision de « fermer les yeux » parce qu’elle est « très anti-israélienne . »
Anthony Lowenstein a publié un rapport complet dans 972Mag [2] relatant les trois années de persécution envers Mohammed Halabi. En 2017, une enquête officielle effectuée par le gouvernement australien a affirmé qu’il n’y avait aucun fondement pour étayer l’affirmation israélienne. Le financement de World Vision a été, paraît-il, rétabli, bien qu’aucun des fonds internationaux n’ait été utilisé pour soutenir la défense de Halabi.
Lors de son arrestation, l’accès à un avocat lui a été refusé pendant 50 jours. Les responsables israéliens ont publié des déclarations affirmant qu’il avait avoué. Dans le magazine 972, Halabi et son avocat, Maher Hanna, ont tous deux affirmé que, comme beaucoup d’autres Palestiniens arrêtés par l’occupant israélien – y compris des enfants – Halabi a été soumis à la torture par les forces du Shin Bet.
Trois ans et 119 comparutions distinctes devant un tribunal, aucune preuve n’ a été invoquée pour prouver les affirmations de l’état israélien. Tout ce que l’accusation israélienne a soumis au tribunal ce sont les témoignages des responsables du Shin Bet et des interrogateurs. Quand Halabi a cherché a faire venir des témoins de Gaza pour parler en sa faveur dans ce procès théoriquement civil, l’autorisation en a été refusée, à l’un après l’autre, « pour des raisons de sécurité. » L’avocat de Halabi s’est vu lui-même refuser l’autorisation de se rendre à Gaza pour interviewer lui-même les témoins.
Tout au long du processus, Halabi a refusé de signer une transaction judiciaire. Plus de 90 % de tous les dossiers politiques palestiniens devant les tribunaux israéliens militaires ou civils sont réglés par des transactions judiciaires. Les audiences incessantes et les procédures interminables sont elles-mêmes un forme de pression intense pour forcer les Palestiniens à accepter une transaction – qui est souvent utilisée plus tard contre eux comme un « aveu de culpabilité. » Le juge dans ce cas a fait pression sur Halabi pour qu’il accepte une transaction judiciaire, en disant “vous savez comment l’on traite ces questions."
L’affaire Halabi démontre que le déguisement “civil” des tribunaux israéliens est souvent une mascarade dans les cas catalogués comme « questions de sécurité » – autrement dit, des poursuites à caractère politique de Palestiniens de la Palestine occupée en 1948 qui possèdent la citoyenneté israélienne, des habitants de Jérusalem ou même de certains Palestiniens de Gaza, comme Halabi. Il y a très peu de différence avec les tribunaux militaires israéliens en usage pour les Palestiniens de la Cisjordanie occupée.
Le père de Halabi a lancé un appel à toutes les institutions internationales, les exhortant à faire pression sur Israël pour libérer Halabi et pour abandonner les accusations sans fondement. Il a remarqué quel santé de son fils a considérablement décliné dans les prisons israéliennes.
Trois ans après, Mohammed Halabi reste emprisonné ; la Bande de Gaza et des millions de Palestiniens restent assiégés. Alors que World Vision a constamment soutenu la défense de Halabi, chaque nouvelle série d’allégations contre les défenseurs des droits des Palestiniens de la part d’Erdan et de son ministère semble mener à de nouvelles actions répressives, des fermetures de compte, une intensification de la surveillance et une couverture médiatique élargie, avec peu de questions posées sur la véracité de ces assertions.
Samidoun, Réseau de Solidarité avec les Prisonniers Palestiniens, appelle au plus large soutien possible à Mohammed Halabi et à tous les prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Comme Halabi lui-même, nous remarquons que l’emprisonnement de celui-ci fait partie intégrante de la répression politique des Palestiniens et du siège de Gaza. C’est une tentative de continuer le siège des Palestiniens par tous les moyens, y compris la calomnie, la torture et l’emprisonnement des travailleurs humanitaires, la prise pour cible des paysans et des pêcheurs et les tirs chaque semaine sur les manifestants issus du peuple participant à la Grande Marche du Retour.
Nous remarquons aussi la complicité de la « communauté internationale » non seulement dans la persécution de Mohammed Halabi mais, plus fondamentalement dans le siège de Gaza et dans la Nakba ininterrompue visant le peuple palestinien depuis plus de 71 années. Ce cas, et ceux de tous les prisonniers Palestiniens au nombre de plus de 5.200, met aussi en évidence le besoin essentiel d’accentuer la campagne internationale de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) et l’isolement de l’Etat occupant israélien, dans une confrontation entre la complicité officielle et la solidarité des peuples.
Liberté pour Mohammed Halabi et pour tous les prisonniers palestiniens !
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers